L’union fait la littérature

L’association française Alliance des éditeurs indépendants uvre à développer la publication et la diffusion, à prix préférentiel, de livres sur le continent.

Publié le 18 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

L’Ombre d’Imana. Voyages jusqu’au bout du Rwanda, un roman de l’Ivoirienne Véronique Tadjo publié en France en 2000 par les éditions Actes Sud, ressort aujourd’hui en Afrique grâce à l’Alliance des éditeurs indépendants, une association française, qui se charge de regrouper des éditeurs dans plusieurs pays et de leur faire publier des livres, diffusés ensuite à un prix unique préférentiel. On trouvera donc L’Ombre d’Imana en Tunisie, en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Cameroun, au Gabon, au Burkina Faso, au Sénégal et au Rwanda pour l’équivalent de 1 500 F CFA (2,30 euros). « Je suis ravie d’être la première à participer à cette opération, confie Véronique Tadjo. Il s’agit de restituer à l’Afrique sa littérature, car de nombreux livres publiés en Occident demeurent inconnus dans le propre pays de leur auteur. On suit les traces des NEA (Nouvelles Éditions africaines), qui coéditaient en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Togo et qui ont permis à toute une génération de découvrir les Mariama Bâ et autres Sembène Ousmane. Personne ne leur a succédé à ce jour. »
Bien que déjà ancienne, l’idée de coédition pourrait faire son chemin en Afrique francophone, d’autant mieux que l’association qui parraine les éditeurs a acquis, depuis sa création en 2002, une expérience certaine dans ce domaine. Dirigée par le bouillonnant Étienne Galliand, spécialiste du monde éditorial associatif, elle réunit aujourd’hui soixante-dix éditeurs de quarante-neuf nationalités différentes regroupés en réseaux linguistiques. Elle aide à la publication de livres, mais organise également des rencontres internationales autour des questions relatives à l’édition et, en dernier lieu, édite elle-même quelques livres pratiques et théoriques sur ce même domaine. Étienne Galliand a la charge de récolter les fonds pour financer toutes ces activités : « Nos fonds proviennent essentiellement du mécénat des fondations Charles-Paul Meyer, Ford et Prince Klaus. Nous gérons aujourd’hui un budget annuel de 200 000 euros environ, qui finance nos projets et rémunère nos trois salariés. » Mais le développement de l’entreprise atteint son niveau critique, et il va bientôt falloir faire appel aux financements publics, probablement en sollicitant le ministère français de la Coopération. « Pourtant, nous avons freiné la croissance du réseau en procédant par cooptation obligatoire des éditeurs entrants par un ou plusieurs membres », précise Étienne Galliand.
Le cahier des charges varie également en fonction des réalités du pays considéré. « L’indépendance d’un éditeur canadien n’est pas la même que celle d’un éditeur angolais ou gabonais, pays dans lesquels l’entreprise privée a beaucoup de mal à survivre seule. Nous ne sommes pas des fanatiques de l’indépendance, et nos critères de choix ne sont pas rigides », ajoute-t-il. Une seule exigence, toutefois : la prise de risque. Galliand considère la subvention du livre comme contre-productive : « Des organisations internationales comme l’Unesco ont beaucoup fait dans ce domaine, au point que certains ouvrages étaient rentables pour l’éditeur avant même leur parution. Dès lors, aucun effort n’était fait pour le vendre. Le métier d’éditeur repose sur le risque financier. Nous acceptons de participer à certains frais, comme l’acheminement ou la traduction, mais de façon parcimonieuse », explique-t-il. La coédition solidaire ne signifie pas que les éditeurs deviennent des assistés, mais qu’ils unissent leurs moyens pour diffuser, à prix modique, la littérature. L’Alliance apporte également son expertise en matière juridique.
Pour L’Ombre d’Imana, Actes Sud a cédé ses droits aux pays du Continent à un prix préférentiel. L’association les a ensuite revendus à chaque éditeur. Mis en pages en Côte d’Ivoire, le livre a été imprimé à 5 100 exemplaires en Tunisie pour les huit pays participants.
Mais le projet ne saurait se limiter à un seul titre. L’Alliance a d’ores et déjà lancé un appel en direction des auteurs africains, de leurs gouvernements et de leurs éditeurs, mais également vers les éditeurs français, les institutions francophones et les librairies ou bibliothèques françaises afin de trouver de nouveaux textes à coéditer en Afrique. La première opération est un succès, nul doute que les suivantes le seront aussi.

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