L’engrenage ?

Face au Hezbollah libanais comme au Hamas palestinien, Israël s’enferme dans une logique de guerre.

Publié le 17 juillet 2006 Lecture : 4 minutes.

Lorsque Israël bombarde des cibles dans la bande de Gaza, tuant des civils palestiniens parmi lesquels une majorité de femmes et d’enfants, la communauté internationale ne s’émeut pas outre mesure. Elle ferme les yeux, se bouche les oreilles et se tait. En revanche, lorsqu’un groupe de combattants palestiniens capture un soldat israélien (comme cela s’est passé avec le caporal Gilad Shalit, dans la bande de Gaza, le 25 juin) afin d’obtenir en échange la libération de prisonniers détenus en Israël, des cris d’indignation s’élèvent dans toutes les capitales occidentales pour condamner l’opération et justifier les représailles, souvent démesurées, d’Israël.
Il en a été ainsi, une nouvelle fois, le 12 juillet, lorsque des combattants du Hezbollah libanais ont déclenché une opération militaire dans la zone frontalière entre le Liban et Israël, tuant huit soldats au combat et en capturant deux autres, avant de demander, par la voix de leurs dirigeants, de les échanger contre des combattants libanais détenus dans les prisons israéliennes.
Refusant de « négocier avec des terroristes », Israël n’a pas beaucoup réfléchi avant de lancer son aviation, sa marine et ses troupes terrestres à l’assaut du Liban, jusqu’à l’aéroport de Beyrouth, détruisant routes, ponts et pistes d’atterrissage, tuant en moins de vingt-quatre heures une quarantaine de civils, dont une dizaine d’enfants, et en blessant une soixantaine d’autres.
« Acte de guerre disproportionné » contre « un pays totalement souverain et ami de la France », a déclaré Philippe Douste-Blazy, le ministre français des Affaires étrangères, qui, dans le même mouvement, a pris soin de dénoncer les « actes irresponsables » du Hezbollah. Les Américains, pour leur part, se sont empressés de souligner par la voix du président George W. Bush et de Condoleezza Rice, sa secrétaire d’État, le droit d’Israël de se défendre contre les attaques « terroristes ». Avant de désigner la Syrie et l’Iran, derniers bastions de résistance à la domination israélo-américaine au Moyen-Orient, comme « responsables » de la dernière opération du Hezbollah. Damas et Téhéran ont-ils vraiment demandé au mouvement chiite libanais d’intervenir dans la crise ?
Les deux régimes chiites de la région ont certes de bonnes raisons de vouloir ouvrir un second front sur le flanc nord d’Israël, ne serait-ce que pour détourner l’attention de leurs propres problèmes avec la communauté internationale. Beaucoup de faits, en tout cas, les accusent. On sait qu’ils ont souvent utilisé les dossiers palestinien et libanais pour servir leurs propres intérêts. On sait aussi que la Syrie a toujours uvré, avec l’aide de l’Iran, à établir une coordination entre le Hezbollah et le Hamas. La Syrie, qui contrôle le premier, héberge aussi certains cadres du second, dont Khaled Mechaal, le chef de file de l’aile intransigeante du mouvement islamiste palestinien. On sait enfin que, lors de sa récente médiation entre Israël et le Hamas, l’Égypte était sur le point d’obtenir un accord : la libération du soldat israélien kidnappé par des éléments du Hamas en échange d’un engagement israélien à libérer un grand nombre de détenus palestiniens. Mais des crispations de dernière minute provoquées par des interventions extérieures, sans doute syro-iraniennes, ont tout fait capoter.
C’est, en tout cas, ce qu’a laissé entendre Hosni Moubarak, le 12 juillet, alors que l’aviation israélienne pilonnait déjà le Liban : « Des parties que je n’identifierai pas sont intervenues dans les contacts menés par l’Égypte, ce qui a empêché la conclusion imminente de l’accord. »
Souligner la « responsabilité » syro-iranienne dans l’actuelle escalade militaire au Proche-Orient n’exonère cependant pas l’État hébreu de la sienne. La semaine dernière, l’armée israélienne a intensifié son offensive contre la bande de Gaza. Raids aériens et incursions terrestres ont alourdi le bilan des victimes. Depuis le 5 juillet, date de l’élargissement du champ d’action de cette offensive, il ne se passe pas de jour sans que tombent de nouvelles victimes palestiniennes, en majorité des civils : jusqu’à soixante morts recensés en moins d’une semaine.
Confrontés à leur première grande épreuve, la capture du soldat Shalit, le Premier ministre Ehoud Olmert et Amir Peretz, son ministre de la Défense, ont manifestement choisi la manière forte, croyant ainsi asseoir leur popularité. Dans cette fuite en avant, ils ont perdu le sens des réalités. Conséquence : ils ont résolument ignoré l’accord entre le Fatah et le Hamas, qui impliquait la reconnaissance de fait de l’État d’Israël. Ils ont humilié aussi les Palestiniens en arrêtant une soixantaine de leurs responsables, parmi lesquels des députés et des ministres membres du Hamas.
En multipliant les attentats ciblés contre les cadres militaires palestiniens, les attaques aériennes contre des bâtiments ministériels, les destructions d’infrastructures de base – lesquelles ont fait des dizaines de victimes collatérales -, ils ont aggravé la situation et créé une atmosphère délétère qui a abouti à l’escalade actuelle. À moins qu’il ne s’agisse là d’une stratégie mûrement réfléchie visant à détruire l’Autorité palestinienne, à provoquer l’anarchie dans les Territoires et à empêcher la reprise des négociations de paix, au prétexte qu’il n’y a pas en face d’interlocuteur crédible.
Si tel est bien le cas, le réchauffement du front libanais risque de perturber leurs calculs et de créer une situation explosive dont la région pourrait assurément se passer.

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