Le coup d’éclat du « docteur Subtil »
Le ministre italien de l’Intérieur dénonce le passé « impérialiste » de son pays en Tripolitaine.
A Tripoli, les médias n’ont pas de mots assez élogieux pour saluer le « courage » et l’« équité » de Giuliano Amato. Le 3 juillet, le nouveau ministre italien de l’Intérieur, que ses compatriotes surnomment Dottore Sottile (« docteur Subtil », référence à un père de l’Église, le théologien anglais John Duns Scot), a en effet estimé que « nous [les Italiens] devons accepter le fait que nous sommes la puissance impériale qui a envahi la Libye au début du XXe siècle » et qu’il est « légitime pour un pays qui a été occupé par un autre pays pour des raisons purement impérialistes de demander des réparations ».
Mouammar Kadhafi, qui accuse l’ancienne métropole d’avoir tué 700 000 de ses compatriotes – chiffre jugé « exagéré » par les historiens – pendant la période coloniale (1911-1943), doit exulter : jamais un responsable italien n’est allé aussi loin, même si, en 1998, Rome s’est publiquement excusé pour les atrocités commises par ses armées. Mais Tripoli demande davantage : la construction d’une route à quatre voies longeant le littoral libyen, pour un coût compris entre 3 milliards et 6 milliards d’euros. Silvio Berlusconi, l’ancien président du Conseil, y avait apparemment consenti, sans jamais donner suite. Furieux, le « Guide » avait alors rétabli la célébration de la « Journée de la vengeance », qui commémore l’expulsion, le 7 octobre 1970, de vingt mille Italiens installés dans son pays depuis l’époque coloniale. En février dernier, il avait estimé que l’incendie du consulat italien à Benghazi, après le soutien apporté par un membre du gouvernement de Rome aux caricatures danoises du Prophète Mohammed, était une « réplique aux atermoiements » de Berlusconi. En avril, à la veille des législatives, le « Guide » avait souhaité à mots à peine couverts la défaite de la droite et le retour au pouvoir de son « ami » Romano Prodi et de sa coalition de centre-gauche.
Reste à savoir si les déclarations du ministre de l’Intérieur reflètent la position de son gouvernement. Ancien bras droit du leader socialiste Bettino Craxi et deux fois président du Conseil, Amato est un poids lourd de la gauche italienne. Au mois de mai dernier, son nom avait été évoqué comme possible candidat à la présidence de la République. On imagine donc difficilement que ses propos sur la colonisation de la Libye puissent n’engager que lui-même.
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