Au cur de l’Iran

À l’issue de cinq mois d’enquête, Claire Tréan a tenté de restituer la réalité de ce pays dans sa complexité et ses contradictions.

Publié le 17 juillet 2006 Lecture : 2 minutes.

Et si les Iraniens – et les Iraniennes – valaient mieux que leur régime ? Et si l’Iran n’était pas à l’image de son président, l’inquiétant Mahmoud Ahmadinejad ? Et si, finalement, Européens et Américains n’avaient rien compris du tout à ce grand pays et ce grand peuple de 70 millions d’habitants, fier toujours, ombrageux souvent, et qui ne supporte pas de se faire dicter sa conduite par quiconque ? C’est forte de ces intuitions, et avec l’envie de comprendre, de saisir et restituer la réalité dans sa complexité et ses contradictions que la journaliste Claire Tréan s’est décidée à mener l’enquête, sur le terrain, pendant cinq mois, entre mai et décembre 2005, avec l’aide « d’une amie iranienne ». Le résultat de ces investigations ? Un livre de 270 pages, mélange d’analyses, de reportages et d’interviews.
Dans cet ouvrage, l’ancienne correspondante diplomatique du journal Le Monde donne la parole aux gens de la rue, aux humbles, nostalgiques et insatisfaits, qui ont rêvé la révolution avant de déchanter. Elle interroge la jeunesse des beaux quartiers, étouffant sous le carcan islamiste, et qui a cru, un peu naïvement peut-être, à cette Lipstick Djihad, la « guerre sainte du rouge à lèvres », symbolique de la perte d’emprise des religieux sur la société sous les deux mandats du réformateur Khatami. Elle va à la rencontre des électeurs de Mahmoud Ahmadinejad, qui ont d’abord voté contre les mollahs et les injustices en plébiscitant l’ancien maire populiste de Téhéran, sorte de Zorro redresseur des torts et champion de la justice sociale. Elle consacre un chapitre entier aux paroles de Bassidj, ces miliciens « mobilisés au service de la Révolution », phalangistes fanatiques de Khomeiny reconvertis en gardiens de l’ordre moral et au contrôle des sacs à main après avoir voulu mourir en martyrs à la guerre.
L’ensemble dessine un carnet de route disparate mais passionnant, utile au spécialiste chevronné tout en restant accessible au lecteur lambda. Le livre se termine par une analyse en profondeur de la question nucléaire vue de Téhéran. L’Iran ne veut rien céder sur son droit à l’enrichissement de l’uranium et désire secrètement posséder la bombe. Affaire de souveraineté, de sécurité nationale aussi : la République islamique, entourée de puissances nucléaires – Israël, la Russie, l’Inde, le Pakistan, et les États-Unis, qui occupent l’Irak et l’Afghanistan -, a quelques raisons de se sentir menacée.
Un des mérites de Claire Tréan est de montrer que, derrière cette unité de façade, se cachent de profondes divergences d’approche entre les tenants du pragmatisme, qui, à l’instar d’un Hachémi Rafsandjani, plaident pour la poursuite des pourparlers avec l’Europe, et les représentants de la mouvance dure, celle d’Ahmadinejad, partisans de la radicalisation à outrance. Si l’Iran n’en finit pas de souffler le chaud et le froid dans les discussions, c’est aussi parce que, au sommet de l’État, les jeux ne sont pas encore faits. Mais, pour arriver à un compromis viable, chacun devra y mettre du sien, y compris les Occidentaux

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