Stratégie de défense
Au lendemain de la mise en cause des « plus hautes autorités » du pays par la commission d’enquête de l’ONU, le chef de l’État monte au créneau.
Après l’émoi provoqué dans l’opinion par la divulgation du prérapport de l’ONU sur les graves événements des 25 et 26 mars à Abidjan (voir J.A.I. n° 2261), le président Laurent Gbagbo a décidé de reprendre l’initiative. Au plan politique, pour persuader ses adversaires de revenir au gouvernement ; au plan diplomatique, pour dégeler ses rapports avec les chefs d’État de la sous-région, « fatigués » par l’interminable crise ivoirienne, mais aussi et surtout, avec son frère ennemi burkinabè, Blaise Compaoré, et le Guide libyen, Mouammar Kadhafi, tous deux soupçonnés d’être les « parrains » de la rébellion armée qui a conduit, depuis bientôt deux ans, à la partition du pays.
Première initiative de Gbagbo : répondre à la version officielle du rapport, qu’il n’a reçu que le 5 mai (soit deux jours après la divulgation du draft par RFI). Pour disposer d’un délai lui permettant de rédiger ses observations, il a demandé et obtenu un sursis de vingt-quatre heures (la date limite initialement fixée par l’ONU étant le 10 mai). Puis la cellule juridique de la présidence de la République s’est mise au travail. Objectif : éplucher, point par point, le rapport onusien, mettre en exergue ses insuffisances, dans la forme et le fonds, ses invraisemblances, les erreurs factuelles et autres contradictions qui y figureraient. Mais aussi, pointer du doigt, outre le fait qu’on ait dénié au pouvoir toute présomption d’innocence, les méthodes de travail de la commission d’enquête.
Celle-ci, assure-t-on dans l’entourage du chef de l’État ivoirien, s’est contentée de recueillir des témoignages, sans vraiment les recouper, et sans mener un véritable travail d’investigation, ce qui supposait une plus longue présence de ses trois membres sur le terrain. Consigné dans un document, le fruit de la réflexion de la cellule présidentielle a été directement transmis, le 11 mai, au secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan.
Selon nos informations, le texte final de l’ONU sur les événements des 25 et 26 mars devait être, dans certaines de ses dispositions, plus nuancé à l’issue de la réunion du Conseil de sécurité, le 14 mai. Ainsi de la mise en cause « des plus hautes autorités de l’État » attendue pour être moins frontale. Et de l’indication du prérapport selon laquelle il n’y avait pas de risque d’infiltration de la manifestation du 25 mars par des éléments armés qui devait même être abandonnée, faute de preuves suffisantes pour l’étayer.
Au plan diplomatique, Laurent Gbagbo a, en dépit de la tension, beaucoup voyagé à la veille de cette réunion du Conseil de sécurité. Conakry, Accra, Praia, Tripoli… Il a ainsi séjourné les 7 et 8 mai chez son voisin ghanéen John Kufuor, où il a pris part à la fête du roi des Ashantis. Puis, il s’est rendu à Praia pour rencontrer son homologue cap-verdien dont le pays siège au Conseil pendant tout ce mois de mai. Mais également le président angolais José Eduardo Dos Santos, en route vers Washington, auprès duquel il a insisté sur la participation de soldats angolais à l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci). Luanda et Abidjan filent le parfait amour depuis l’accession au pouvoir de Gbagbo, qui a décidé que son pays ne servirait plus, comme par le passé, de « sanctuaire » au mouvement rebelle Unita.
Le président ivoirien s’est également rendu, le 11 mai, en Libye, son deuxième déplacement dans ce pays depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2000. « La paix en Côte d’Ivoire passe par Tripoli et Ouaga », assure-t-on dans l’entourage du chef de l’État ivoirien. Il n’est pas exclu que Gbagbo et Compaoré se rencontrent, cette fois-ci, à Abidjan après leurs dernières retrouvailles, à Bamako, en décembre 2002, et à Bobo-Dioulasso, en novembre 2003. Certains, en tout cas, travaillent dans la discrétion à ce rapprochement et à un voyage du Burkinabè dans la capitale économique ivoirienne. Ainsi du président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré, dont les initiatives, tout en discrétion, viendraient en renfort à celles des Nations unies, de la Cedeao et de la France.
Il s’agit d’amener les mentors putatifs de la rébellion à persuader le leader des Forces nouvelles, Guillaume Soro, et ses amis de reprendre leurs places autour de la table du Conseil des ministres et d’abandonner leurs velléités sécessionnistes. De son côté, Gbagbo pourrait donner quelques gages, par exemple, se séparer de certains membres de son entourage immédiat considérés comme des faucons, et abandonner son projet de soumettre à référendum certains projets de loi prévus dans l’accord de Marcoussis de la fin janvier 2003.
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