Prudence de rigueur

Les grands établissements se replient face à la crise, tandis que de nouvelles structures, plus flexibles, gagnent des parts de marché.

Publié le 17 mai 2004 Lecture : 4 minutes.

Le secteur bancaire ivoirien a considérablement réduit sa voilure. Un an et demi après le déclenchement d’un conflit qui perturbe fortement les activités, le monde financier doit sa survie d’une part à sa surliquidité et aux efforts importants opérés dans le passé pour moderniser sa gestion et, d’autre part, à la relative résistance du pays, dont le taux de croissance n’a baissé « que » de 3,8 % au cours de l’année écoulée.
La rentabilité des grands établissements financiers a, dans l’ensemble, fortement chuté, et ces derniers prennent de moins en moins de risques.
Après avoir vu son résultat net s’effondrer en 2002, passant de 5,9 milliards de F CFA à 900 millions, la Société générale de banques en Côte d’Ivoire (SGBCI) a néanmoins retrouvé des couleurs en 2003. Son bénéfice s’est redressé pour repasser au-dessus des 4 milliards. Prudence oblige, la SGBCI poursuit sa stratégie de repli et met en oeuvre une politique durable de fermeture d’agences. En 2003, son total de bilan a reculé de 13 %, sous l’effet de la diminution de 70 milliards de F CFA des crédits à la clientèle. Même constat à la Banque internationale pour le commerce et l’industrie de Côte d’Ivoire (Bicici). Durement affectée par la crise, la plus importante filiale de BNP-Paribas en Afrique de l’Ouest a enregistré en 2003 une perte de 1,9 milliard de F CFA, contre un résultat positif de 575 millions en 2002 et de 3 milliards en 2001. Une chute qui s’explique en grande partie par les déconvenues du groupe français dans le cacao : sous l’ordre du siège parisien, la Bicici a en effet choisi de diminuer drastiquement ses crédits à la filière café-cacao, alors qu’elle en était le deuxième financier. Résultat : la banque s’est fait doubler sur ce créneau. Troisième établissement du pays jusqu’à récemment, la BIAO CI affiche également de très mauvais résultats en 2003. La filiale de la Belgolaise semblait pourtant en 2002 l’une des seules grandes banques à pouvoir résister à la crise du fait de la sévère cure d’amaigrissement et la réorganisation qu’elle s’était infligée après sa privatisation début 2000. Hélas ! après être passé d’une perte de 500 millions de F CFA en 2001 à un gain de 1,3 milliard en 2002, la BIAO a enregistré en 2003 une perte de 2,9 milliards de F CFA, la plus importante de l’ensemble du système bancaire ivoirien. Un résultat qui s’explique par la comptabilisation de fortes provisions pour risques et la paralysie de toutes les agences situées dans le nord du pays.
Le tableau est noir : alors que l’année 2002 avait été sauvée par un premier semestre très dynamique et annonciateur d’une reprise économique à venir, le cru 2003 n’aura été que désenchantement. Seuls les établissements plus modestes tirent leur épingle du jeu, profitant de leur absence d’exposition aux activités du nord du pays. Parmi ceux-ci, la filiale ivoirienne d’Ecobank, dirigée depuis deux ans maintenant par Fogan Sossah. Après avoir redressé l’établissement, celui-ci consolide désormais un niveau de bénéfices qui paraissait miraculeux pour cette « petite » banque, qui l’est de moins en moins. Pour la deuxième année consécutive, Ecobank CI affiche un résultat net de 2 milliards de F CFA, soit 17 % de son produit net bancaire, un niveau bien plus élevé que celui de ses concurrents. Tant en matière de crédits que de dépôts, la banque prend chaque année des parts de marché importantes, via notamment une politique de crédits très concurrentielle. La Bank of Africa, dont le siège à Abidjan jouxte celui d’Ecobank, connaît un succès comparable, tout comme la Standard Chartered.
Enfin, de nouveaux opérateurs s’affirment, accentuant le phénomène de redistribution des cartes dans le secteur bancaire. Le Groupe L’Aiglon, propriété de la famille Kagnassy, vient tout juste de créer la Banque Versus. Mais il entretient le plus grand mystère sur ce nouvel établissement. Joint par téléphone, les responsables de ce groupe n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
Beaucoup plus ancienne, l’ex-Caisse autonome d’amortissement, établissement public créé en 1959, s’est transformée en établissement commercial en février 2004 et a été rebaptisée Banque nationale d’investissement (BNI). S’opposant aux exigences des institutions internationales qui demandaient la liquidation de la CAA, le ministre ivoirien de l’Économie et des Finances Paul Bohoun Bouabré attache une attention toute particulière à la survivance de la seule banque publique susceptible de financer l’économie nationale. D’où le glissement stratégique opéré par le nouveau staff dirigeant, mené par Victor Nembelessini-Silue, ancien d’Equator Bank, et dont l’objectif est de transformer l’ex-CAA en banque commerciale à part entière. En termes de total de bilan, la BNI est déjà le troisième établissement du pays, mais elle n’a aucun réseau d’agences. Ses créances en souffrances, détenues sur l’État, représentent jusqu’à 75 % du total des crédits. C’est pourquoi les bailleurs de fonds veulent la fermer ou la privatiser. Un autre bataille en perspective entre le gouvernement et les institutions internationales.

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