L’indigène change de camp

Quand dix auteurs du Continent observent l’Europe…

Publié le 17 mai 2004 Lecture : 2 minutes.

L’Europe vue d’Afrique. Décrite et disséquée par dix auteurs africains. Une sorte de « voyage à l’envers », selon l’éditeur. « L’Europe vit fenêtres ouvertes sur le monde, l’oeil et l’esprit en permanence alimentés par des visions d’ailleurs. […] Mais, sûre de son regard, l’Europe oublie parfois qu’elle peut être aussi regardée. » Les auteurs qui se sont prêtés au jeu l’ont fait sans complaisance. Certains textes sont critiques, comme celui du Malgache Jean-Luc Raharimanana qui dénonce une France amnésique, oublieuse de l’Histoire. « Les jeunes n’ont de passé que celui que leurs pères ont quitté et qu’ils ont enfoui dans les méandres de leur fierté. Et les pères se taisent. » D’autres textes sont acides, comme celui du Béninois Florent Couao-Zotti, qui, à l’occasion de la mort d’un Blanc affublé d’un nom d’oiseau (Lucien Becdaigle), scrute la confrontation des cultures africaine et occidentale, et l’exaspération qui en découle.
Le Tchadien Koulsy Lamko nous raconte, à la manière d’un griot, une histoire qui prend racine en Bretagne. L’Algérien Aziz Chouaki dépeint avec verve la frustration de deux mômes algérois, fascinés par la photo du grand frère, immigré aux Pays-Bas. Arezki Mellal, lui, utilise le courriel pour révéler l’incompréhension profonde qui naît entre une Française et un Algérien – une métaphore de l’incompréhension Nord-Sud. Quant à la Sénégalaise Ken Bugul, elle évoque l’influence de la femme occidentale sur le mode de vie des Africaines. Son texte, savoureux et juste, prend des accents militants. « Moi, je préférais garder la couleur de ma peau, pour avoir ce petit quelque chose de différent. Car dans la mondialisation des comportements, de la consommation, il n’y a que la couleur de ma peau qui était vraiment la seule chose qui m’appartenait encore. »
Avec ce recueil, « l’indigène change de camp », écrit Jean-Christophe Rufin dans la préface. « Celui que l’on observe, humain peut-être mais avec de mystérieux comportements qui évoquent l’animal, celui que l’on classe, dénomme, interpelle plaisamment, cette fois, c’est l’Européen. […] Mais aussi ces textes nous enseignent beaucoup sur l’Afrique. […] Ce que l’on découvre grâce à eux, c’est le miroir brisé de l’Europe. »

L’Europe, vues d’Afrique, préface de Jean-Christophe Rufin, coédition Le Cavalier Bleu /Le Figuier, 168 pp., 15 euros (France), 7 euros (Afrique)

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