Le Cameroun scelle son union

Publié le 17 mai 2004 Lecture : 3 minutes.

«Approuvez-vous, dans le but de consolider l’unité nationale et d’accélérer le développement économique, social et culturel de la nation, le projet de Constitution soumis au peuple camerounais par le président de la République fédérale du Cameroun et instituant une République une et indivisible, sous la dénomination de République unie du Cameroun ? » En recueillant pas moins de 99,97 % de « oui » en faveur de l’État unitaire, le référendum organisé le 20 mai 1972 à l’initiative d’Ahmadou Ahidjo n’a pas laissé beaucoup de place au suspense. Pourtant, dans ce pays peuplé en majorité de francophones (près de 80 % de la population), la « question anglophone » a toujours fait débat. Et derrière le bel unanimisme affiché lors de cette consultation, on perçoit les prémices d’une contestation qui se perpétue aujourd’hui.
Le référendum sur l’État unitaire n’est pourtant pas une décision brutale, imposée par un chef d’État capricieux et jaloux de ses prérogatives. La démarche d’Ahidjo s’inscrit dans un processus qui trouve son origine dans la colonisation même de cette région située à la charnière du golfe de Guinée. En 1919, l’ex-colonie allemande du Kamerun est partagée entre la France, qui en administre la majeure partie, au Sud, et la Grande-Bretagne, qui récupère le Nord.
En 1960, à l’heure des indépendances, la question est posée de l’avenir de ce territoire désormais anglophone. L’ONU se prononce en faveur d’un référendum, organisé les 11 et 12 février 1961. Mais, alors que le Northern Cameroon choisit d’intégrer le Nigeria, le Southern Cameroon opte pour son intégration au Cameroun francophone, et en constitue les actuelles provinces du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

À l’issue des accords de Foumban, le Cameroun adopte le 14 août 1961 une nouvelle Constitution. Et le 1er octobre suivant, Ahmadou Ahidjo devient le président de la République fédérale du Cameroun. John Ngu Foncha, représentant du Southern Cameroon, est nommé vice-président.
Une décennie durant, le pouvoir central va s’attacher à renforcer l’ancrage du Cameroun anglophone au sein de la fédération. Adoption du bilinguisme, désenclavement des régions de l’Ouest, fusion des partis politiques et des syndicats… « Au cours de la décennie qu’a duré la fédération, nous avons fait en sorte que les Camerounais des deux rives du Mungo réapprennent à vivre ensemble », expliquait Ahmadou Ahidjo dans une interview à Jeune Afrique, en décembre 1972. Non sans souligner le caractère transitoire de la fédération : « Ce système nous est apparu comme une étape nécessaire au cours de laquelle les deux fractions du peuple ont consolidé leur conscience d’appartenir à une seule et même nation. Mais il a été conçu dans la conscience de la nécessité de son dépassement à plus ou moins longue échéance. »
En 1984, douze ans après le référendum, le président Paul Biya, successeur d’Ahidjo, parachèvera cette réforme constitutionnelle en supprimant l’adjectif « unie » derrière le mot « république ».

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Trente-deux années après l’unification du pays, la communauté anglophone semble avoir trouvé sa place au sein d’une société camerounaise caractérisée par la diversité de ses composantes. Toutefois, certains penseront qu’Ahidjo a été trop vite en besogne, et que cette transition menée au pas de charge a causé des traumatismes encore visibles aujourd’hui.
Des contreforts du mont Cameroun aux Grasslands du Nord-Ouest, l’irrédentisme anglophone séduit encore un certain nombre de sympathisants du Southern Cameroon National Council (SCNC), mouvement qui dénonce inlassablement « le régime annexionniste de Yaoundé ». Et à chaque échéance électorale, des leaders reprennent la bannière anglophone pour tenter de mobiliser les votes de protestation contre le pouvoir central. Ainsi le journaliste Boniface Forbin, directeur de publication du Herald, a-t-il annoncé sa candidature pour la présidentielle prévue en octobre prochain. Son mouvement, le Parti de la justice et du développement (PJD), s’est donné pour ambition « le combat pour la libération du Cameroun anglophone, oppressé depuis quarante ans par les régimes d’Ahidjo (1960-1982) et de Paul Biya ». Signe qu’au-delà du clientélisme inhérent aux campagnes électorales les frustrations dues à l’unification du Cameroun sont encore vives.

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