L’anniversaire du siècle

Mgr Tomas, prêtre catholique et personnalité respectée en Éthiopie, vient de souffler sa centième bougie. Une traversée historique exceptionnelle.

Publié le 17 mai 2004 Lecture : 3 minutes.

Dans un pays où l’espérance de vie est d’environ 42 ans, fêter son centième anniversaire relève du miracle. Mais, après tout, qu’un homme d’Église reçoive cette grâce ne devrait pas étonner grand-monde. Le 28 avril 2004, Mgr Tomas, prêtre catholique éthiopien, a soufflé sa centième bougie.
Tomas Tsaru est né en 1904 à Monoxeito, en Érythrée, après que ses parents eurent été contraints de fuir les persécutions dont étaient alors victimes les catholiques. Sans doute peut-on penser que les fondements de sa vocation résident pour partie dans ce passé familial heurté. Toujours est-il que, dès l’âge de 17 ans, Tomas entre au séminaire de la ville d’Adigrat, dans la province du Tigré, et y demeure jusqu’au 12 septembre 1931, date à laquelle il est enfin ordonné prêtre, à l’âge de 27 ans. Le reste de sa vie, il va le consacrer au service de l’Église catholique et de ses fidèles. Quelles que soient les circonstances, dans un pays où la majeure partie de la population est de confession orthodoxe. Il officie d’abord en pays irob, à Alitena, où aurait été construite la première église catholique d’Éthiopie, en 1846. Il y demeure pendant dix-huit ans. Puis il déménage pour Adigrat, non loin d’Axum. Huit ans plus tard, en décembre 1967, il rejoint la capitale Addis-Abeba, qu’il ne quittera plus pendant quarante-quatre ans.
Ce n’est qu’en 2002, deux ans après que le pape Jean-Paul II l’eut consacré évêque, qu’il décide de prendre sa retraite dans une maison qui accueille les anciens serviteurs de l’Église. Ses paroissiens se souviennent d’un homme toujours prêt à rendre service, spécialement attentif aux malades et toujours disposé à oeuvrer pour la paix. Pour son cousin, le vicaire général de l’archidiocèse d’Addis-Abeba, Abba Kidanemariam, qui fête lui-même son jubilée d’or (soixante ans de prêtrise), « Abba Tomas a mené une vie remarquable, au service de l’Église et des gens. Aujourd’hui, il a encore toute sa tête. Il lit les journaux, regarde la télévision, et ses idées sont très claires. »
Si Mgr Tomas a suivi l’actualité du XXe siècle comme il semble suivre celle du XXIe, il se souvient sans doute qu’il n’avait que 12 ans quand le successeur de Ménélik II, Lidj Yiassou, fut déchu ; 16 ans quand Ras Tafari, gouverneur du Harar, devint Négus Nagast (« roi des rois ») sous le nom de Haïlé Sélassié Ier ; 21 ans quand les Italiens envahirent l’Éthiopie en octobre 1935 ; 27 ans quand le Négus retrouva son trône le 5 mai 1941 ; 59 ans quand Addis-Abeba, qui possédait l’Érythrée depuis 1952, accueillit le siège de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en 1963 ; 73 ans quand le « Négus rouge », le lieutenant-colonel Haïlé Mariam Mengistu, renversa Haïlé Sélassié et inaugura une période de terreur et de purges qui dura jusqu’en 1988 ; 80 ans quand la grande famine de 1984-1985 causa la mort de centaines de milliers d’Éthiopiens ; 94 ans quand éclata le conflit avec l’Érythrée, indépendante depuis cinq ans ; 96 ans quand la guerre s’acheva… Autant d’événements auxquels il faut ajouter deux Guerres mondiales, trois génocides, nombre de conflits, mais aussi les extraordinaires progrès de la science et de la médecine. Coïncidence, un francophone éthiopien, prêtre chez les lazaristes puis chez les capucins, nommé Abba Jérôme, qui vécut en France jusqu’en 1983, détenait jusqu’à présent un record de longévité, étant mort à l’âge canonique de 98 ans…
Abba Tomas souhaite qu’au jour de sa mort on récite en son honneur les Psaumes de David, où revient en particulier cette interrogation (116 : 12) : « Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? » Si, encore aujourd’hui, il repense à son enfance dans les années 1900, Mgr Tomas doit mesurer le chemin parcouru par l’humanité… et tout celui qu’il lui reste à faire !

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