Irak : pourquoi l’Amérique doit se retirer

Publié le 17 mai 2004 Lecture : 2 minutes.

L’idée que les forces américaines sont indispensables pour « stabiliser » l’Irak est une illusion. Les forces américaines déstabilisent l’Irak, comme les Irakiens eux-mêmes s’échinent à l’expliquer aux Américains. La situation va presque certainement empirer au mois de juin lorsque viendra le moment du transfert de « souveraineté » par les autorités d’occupation. D’après ce qu’on sait actuellement, les États-Unis n’ont aucunement l’intention de procéder à un tel transfert. Ils veulent garder le contrôle de toutes les forces armées du pays, utiliser ces forces à leur guise, les Américains disposant d’un statut d’extraterritorialité et de l’immunité juridique. Ils veulent également disposer d’un droit de veto sur les décisions législatives du gouvernement irakien qui sera mis en place.
Si Washington maintient cette position, il n’y aura pas de nouveau gouvernement patronné par l’ONU, ni de nouvelle résolution du Conseil de sécurité, comme le veut Washington pour obtenir l’aide de l’Otan et un soutien international plus large en Irak.
Que peut-on faire ? D’abord, il faut admettre la réalité et la légitimité du nationalisme irakien, et reconnaître que les États-Unis ne peuvent pas prolonger leur domination militaire, économique et politique sur l’Irak, sous quelque déguisement que ce soit, sans se heurter à une résistance. En outre, ni l’ONU ni aucun allié des Américains – même pas, probablement, la Grande-Bretagne – ne viendra aider les États-Unis à réprimer la résistance. La violence continuera et s’aggravera. Les États-Unis seront isolés et devront faire face à une vigoureuse opposition intérieure, comme pendant la guerre du Vietnam.
Un plan de sortie est actuellement à l’étude. L’un des principaux auteurs en est William Polk, ancien diplomate et conseiller du gouvernement, fondateur du Centre des études moyen-orientales de l’université de Chicago. Selon Polk, il faut non seulement que les États-Unis décident de se retirer, mais qu’ils convainquent les Irakiens et les Nations unies comme la communauté internationale – qu’ils ont vraiment l’intention de le faire « dans les meilleurs délais ».
Ils ne doivent pas laisser le moindre doute sur le fait qu’ils n’essayeront pas de conserver des avantages économiques en Irak, de garder la haute main sur l’utilisation des ressources irakiennes ou de maintenir des bases ou des forces miliaires autres que celles qui auront été librement consenties par un gouvernement irakien internationalement reconnu.
Ils doivent commencer à déléguer un pouvoir politique important, remettre à l’ONU et au gouvernement provisoire irakien l’autorité politique et économique.
À mon avis, il faut compléter ce programme par un plan de mise en exécution, comme l’a proposé le général du cadre de réserve William Odom, du Hudson Institute, professeur à l’université Yale et à l’université Georgetown. Odom souhaite une déclaration unilatérale des États-Unis, aux termes de laquelle ils s’engagent à retirer la totalité des troupes américaines dans les six mois, quoi qu’il arrive en Irak, quoi que fassent l’ONU et la communauté internationale. Ce sont des mesures drastiques. Elles sont essentielles, puisque, comme le dit Odom, « nous avons échoué : le problème est de savoir quel prix nous allons payer ».

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