Bilans contrastés

Affaiblis par les fluctuations monétaires et les mauvaises performances économiques, les établissements financiers présentent des résultats en demi-teintes. Le Bénin, l’Éthiopie et la Guinée équatoriale font exception.

Publié le 17 mai 2004 Lecture : 5 minutes.

Comment se portent les banques africaines au moment où il est question de durcir les règles prudentielles, dans le cadre des accords de Bâle II(*) ? À l’exception des établissements liés à des réseaux internationaux et des banques de proximité, du type Bank of Africa, rares sont celles qui affichent de bons résultats. Du Maghreb à l’Afrique australe, en passant par l’Afrique de l’Ouest ou de l’Est, tous les indicateurs sont en baisse : le produit net bancaire, le résultat net ou encore le rendement des fonds propres. Une crise due à trois facteurs d’importance inégale. Les trop fortes fluctuations des devises internationales, notamment le dollar, qui joue un rôle majeur sur le continent même si l’euro « fort » continue sa percée dans les zones où les échanges se font principalement avec l’Europe. Le deuxième problème vient de la mauvaise santé des économies africaines : en dehors des pays pétroliers, peu d’économies affichent un taux de croissance supérieur à 5 %, alors qu’il faudrait parvenir à un taux d’au moins 7 % pour enclencher une dynamique de développement. Viennent enfin les erreurs de gestion de certains patrons de banques, qui, sur la durée, ont accumulé les créances douteuses.
Ainsi, en 2002, selon le magazine Ecofinance, le total du bilan des 200 banques africaines a reculé de 6 %, pour atteindre 397,6 milliards de dollars. Ce qui « les place, toutes ensemble, derrière des groupes comme Lloyds, Crédit agricole ou Fortis ». À l’heure où il n’est question que de mondialisation et de concurrence accrue, il est évident que cette faiblesse structurelle ne favorise pas le développement des économies africaines, bien au contraire.
Le bilan est donc, comme à l’accoutumée, contrasté selon les régions. En Afrique australe, outre l’effet d’accordéon observé sur le bilan des banques sud-africaines, et en dehors du cas dramatique du Zimbabwe, la région continue de tirer la langue, y compris en Angola, où l’évaporation des recettes pétrolières se poursuit partiellement. La bonne nouvelle vient ici du Botswana et du Mozambique, deux pays qui connaissent des progrès économiques et la bonne gouvernance.
En Afrique du Nord, les années se suivent et se ressemblent. Le poids de l’État reste déterminant même si, au Maroc et en Tunisie, des efforts ont été faits en ce domaine : sur les dix premières banques du classement d’Ecofinance, neuf sont en effet toujours dans le giron de l’État. Au-delà de cette donne persistante – bien que les Égyptiens aient promis d’ouvrir le secteur en 1998 et que les Algériens se soient engagés à faire de même depuis bientôt dix ans -, la consolidation frappe les esprits. La progression des banques et l’amélioration de leurs résultats – analysés sur une durée moyenne de trois ans – sont en effet remarquables. On notera la forte progression de la Banque commerciale du Maroc (BCM), qui vient d’avaler Wafabank et qui devient de facto la première banque privée du nord du continent. L’Algérie, elle, a toujours du mal à voir émerger les banques privées nationales ; on a vu ainsi à Alger disparaître Khalifa Bank puis la BCIA alors que le feuilleton Union Bank semble interminable. Pour le plus grand bonheur des établissements français, telles que Natexis ou BNP Paribas, qui enregistrent des résultats records… trois ans seulement après leur installation dans ce pays dont le potentiel est qualifié « de très important ». En Tunisie, les banques font toujours grise mine – avec des résultats en forte baisse -, mais les professionnels doivent aussi faire face à une tendance lourde : l’épargne drainée par le système bancaire est orientée à la baisse, alors que les bas de laine sont en vogue et que beaucoup de liquidités échappent aux circuits officiels. L’arrivée de la Société générale n’a pas encore produit ses effets alors qu’il est question que la BCM rachète la Banque du Sud.
L’Afrique de l’Ouest, pour sa part, continue de souffrir de la crise ivoirienne, qui n’a bien évidemment pas épargné les autres pays. Partout (Mali, Burkina, Niger, notamment), la chute est plus ou moins prononcée. Ici, comme ailleurs sur le continent du reste, les banques vivent confortablement dans un univers de rentiers : ce sont en effet les clients qui, au travers d’agios, de commissions multiples et de frais divers financent très largement l’opulence de ces établissements, au sujet desquels il faudra bien un jour s’interroger quant à leur utilité finale et à leur participation effective au développement du continent. Pour Alain Le Noir, secrétaire exécutif du Club des dirigeants des banques d’Afrique francophone, « cette situation n’est pas nouvelle et elle est dommageable pour les économies africaines. Dans tous ces pays, les banques sont surliquides alors que les projets ne trouvent pas de financements, ce qui doit interpeller les pouvoirs publics ». Reste que le Bénin, le Mali et le Burkina enregistrent dans l’ensemble des résultats plutôt satisfaisants grâce au dynamisme des systèmes de crédit de proximité, alors que le Togo et la Guinée ne voient toujours pas poindre à l’horizon la sortie du tunnel. En Afrique centrale, il faut surtout saluer le retour du Congo-Brazzaville où la crise semble sur le point de s’achever même si des frictions sérieuses demeurent avec le Fonds monétaire international (FMI). Au Gabon, enfin, l’horizon est en passe de s’éclaircir puisque le FMI va finalement accepter de signer un accord minimal avec Libreville.
Enfin, force est de constater que plusieurs pays de la région connaissent toujours des situations difficiles ou d’interminables « transitions » : Tchad, Centrafrique, République démocratique du Congo, Burundi et Rwanda. Ainsi, si la Société générale de banques en Côte d’Ivoire (SGBCI) reste le premier établissement de la zone franc, elle a vu son total du bilan reculer de 190 millions de dollars ! Elle se trouve désormais talonnée par la BGFI Bank, que dirige le gabonais Claude-Henri Oyima, et qui se paie le luxe désormais de devancer la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Gabon (Bicig), filiale de BNP Paribas.
Pour trouver des évolutions positives, il faut se tourner vers deux pays de la sous-région. La Guinée équatoriale, petit eldorado pétrolier où l’argent coule désormais à flots, et qui apparaît pour la première fois en plaçant deux établissements dans les 50 : la Société générale de banques en Guinée équatoriale (34e) et la CCEI-Bank Guinée équatoriale (40e, groupe Afriland First Bank). Et le Bénin, dont l’économie conserve un rythme de progression de 5 % en moyenne, qui place cinq représentants dans la grille d’Ecofinance dont Bank of Africa-Bénin, et décroche une très honorable 13e place. Enfin, en Afrique de l’Est, Addis-Abeba continue de voir son secteur bancaire s’étoffer et va même jusqu’à devancer désormais les banques kényanes. Concernant les réseaux contrôlés par des grands groupes étrangers, il semble difficile d’occulter la mauvaise situation depuis deux ans des établissements français, surtout dans les pays d’Afrique francophone : la Société générale en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Sénégal ; BNP Paribas au Gabon, au Burkina, au Sénégal et en Côte d’Ivoire.

* Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, regroupe des banques centrales et des organismes de réglementation et de surveillance bancaires des principaux pays industrialisés et établit des normes et des réglementations pour améliorer les pratiques des établissement financiers.

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