Amadou Kane, une certaine idée de la profession

Administrateur-directeur général de la Banque internationale pour le commerce et l’industrie au Sénégal (Bicis)

Publié le 17 mai 2004 Lecture : 3 minutes.

En novembre 2002, on le disait en bonne place pour devenir ministre de l’Économie et des Finances, et les salons de Dakar en faisaient le protégé du président Abdoulaye Wade. Moins d’un mois plus tard, c’est lui que le chef de l’État sénégalais tente de propulser à la tête de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Finalement, les aléas de la politique ne lui permettront pas de décrocher ce poste, certes prestigieux, mais bien loin du monde de la banque universelle.
Passionné par la finance internationale, ce fin stratège est devenu, en 1996, le premier Africain à prendre la tête d’une filiale de BNP Paribas, la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Sénégal (Bicis). Ce qui explique sa réaction polie pour rejeter les offres de maroquin : « C’est un grand honneur pour moi, mais je ne peux quitter le groupe BNP Paribas, alors que j’ai encore beaucoup de chantiers importants en cours. »
Ainsi est Amadou Kane, la cinquantaine alerte, l’administrateur-directeur général de la Bicis, contrôlée à 54 % par le groupe français. Tantôt charmeur, tantôt imprévisible, mais sans état d’âme. D’où un parcours professionnel sans faute, entamé en 1980, entièrement orienté vers le secteur bancaire. Profitant de la multiplication des financements qui suivit la flambée des cours du pétrole, Amadou Kane gravit très rapidement les échelons de l’Union des banques arabe et française (Ubaf).

Cette institution, alors contrôlée par le Crédit Lyonnais et certains États membres de la Ligue arabe, est, à cette époque, la plus importante banque « étrangère » basée à Paris. En 1983, il participe, au nom de l’Ubaf, au premier rééchelonnement de la dette privée du Sénégal par le Club de Londres. L’occasion pour lui de rencontrer Mamoudou Touré, le grand argentier sénégalais, qui lui propose de rentrer au pays. Il accepte dans un premier temps, avant de se raviser. Mais ce n’est que partie remise. Encore promu à l’Ubaf, il devient responsable Afrique : il est chargé de développer la présence et le portefeuille de cet établissement sur le continent, où il négocie des crédits documentaires, des crédits acheteurs et des lignes de refinancement en faveur des banques locales. L’Ubaf développe notamment ses activités en Côte d’Ivoire et au Sénégal, et son chiffre d’affaires Afrique explose.
Début 1990, Amadou Kane décide de retourner travailler en Afrique. Séduit par le volontarisme d’Aboubacar Baba Moussa, le patron de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), il rejoint Lomé pour devenir son conseiller spécial. Plus politique que banquier, feu Baba Moussa est persuadé qu’il faut moderniser l’établissement pour le placer au service du développement. Kane va travailler dans ce sens. Il lance la première émission obligataire ouest-africaine avec l’aide de la Banque nationale de Paris (BNP) et de son « monsieur Afrique », Claude Joly. Elle permet à la BOAD de lever 4 milliards de F CFA, tout en offrant une rémunération correcte à l’épargne disponible dans les sept pays concernés. C’est le début d’une grande aventure pour la BOAD, dont le total des émissions obligataires dépasse aujourd’hui les 96 milliards de F CFA. Kane révolutionne les méthodes de la Banque et contribue à la libérer de sa léthargie administrative.

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Fort de ce succès, Kane va enfin rejoindre son pays natal. En juin 1996, il prend la tête de la Bicis avec un soutien de poids, celui de Michel Pébereau, le puissant patron de la BNP, qui a été séduit par ses notes et ses rapports, notamment sur la manière de développer et de renforcer les intérêts du groupe en Afrique de l’Ouest. Une nomination qui marque la fin d’une époque aux relents néocoloniaux : pour la première fois, un Africain prenait la direction opérationnelle de la filiale de l’un des trois grands établissements français (BNP, Société générale et Crédit Lyonnais), alors que, jusque-là, ces derniers se contentaient d’offrir des postes lucratifs de PDG ou PCA à des notabilités locales. « Ce fut difficile au départ, reconnaît-il, mais tous mes collaborateurs ont très vite compris qu’il leur fallait suivre le mouvement ou partir », se souvient Kane. Huit ans après, la Bicis a triplé ses fonds propres et couvre la quasi-totalité de ses créances douteuses. Un bilan flatteur qui en fait l’une des plus dynamiques filiales du réseau mondial de la BNP Paribas. Signe de l’estime que lui portent ses pairs, ce financier à la carrure de rugbyman est devenu le président du Club des dirigeants des banques d’Afrique francophone en février dernier.

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