Retour à la terre

Coton, café, cacao… les principales filières d’exportation sont en net recul. La relance passe par des gains de compétitivité.

Publié le 18 avril 2006 Lecture : 3 minutes.

Si les estimations se confirment, la campagne cotonnière 2005-2006 marquera un recul sans précédent. La production pourrait ne pas dépasser les 80 000 tonnes, contre 172 500 l’an dernier. Quant aux surfaces ensemencées, elles ont été divisées par deux. « Les impayés de l’année dernière, évalués à 23 milliards de F CFA, ont dissuadé les paysans, qui se sont reportés sur les cultures vivrières », analyse Ayi Adamah Klouvi, agroéconomiste de la Banque mondiale, en poste à Lomé. Sous le double effet de la sécheresse et de l’invasion des criquets dans la région, les céréales et les tubercules ont vu leurs prix grimper. Au marché, le bol de maïs (2,3 kg) est ainsi passé de 400 F CFA à 1 200 F CFA entre avril et août 2005. Il en va de même pour le mil, le sorgho, l’igname et le manioc. Dans le même temps, les cours mondiaux du coton ont baissé et le prix garanti aux cultivateurs est de 160 F CFA le kilo contre 185 F CFA, l’année dernière. Même sans calculettes, les paysans ont fait leurs comptes. Si on ajoute à cela la situation de quasi-banqueroute de la Société togolaise du coton (Sotoco), c’est toute la filière qui est malade. « Désorganisée et sinistrée », estime un observateur. Selon un modèle que l’on retrouve au Bénin avec la même infortune, la société publique est chargée de fournir les intrants, d’avancer les crédits de campagne, d’assurer le transport, l’égrenage, la vente et l’exportation de la fibre. Mais avec une capacité de production de 200 000 t, les usines de la Sotoco, notamment celles d’Atakpamé et de Kara, tournent en dessous de leurs capacités. Deux autres sont à l’arrêt faute d’investissements pour les moderniser. Deux égreneurs privés, Continental Eagles et Sicot, connaissent les mêmes difficultés. Le coton faisait jusqu’à présent vivre près de 250 000 familles, et leur avenir est menacé. « Sur le plan financier, le gouvernement a fait des efforts en débloquant 23 milliards pour assainir la Sotoco. Le secteur était conçu pour assurer de meilleurs revenus en zone rurale, mais cette situation de crise pèse sur le budget de l’État », déclare le Premier ministre Edem Kodjo.
Autre inquiétude, le café et le cacao récoltés dans la région de Kpalimé, près de la frontière avec le Ghana. La filière a été privatisée en 1996. Depuis, l’ensemble des intervenants sont regroupés au sein du Comité de commercialisation de la filière café-cacao (CCFCC) et de la Fédération des unions des producteurs de café et de cacao du Togo (Forpocat). Cette organisation devait être source de plus de cohérence, mais la multiplicité des protagonistes a compliqué la donne. Chacun agit en fonction de ses intérêts, menaçant l’équilibre du secteur. Quatre grossistes-exportateurs achètent 90 % de la production nationale, tandis que les enchères n’offrent pas toutes les garanties de transparence nécessaires. « L’État a jeté l’éponge. Les services agricoles, la fourniture d’intrants et les activités de recherche sur les variétés ne sont plus assurés. Les insectes ont fait leur apparition », constate amèrement Ayi Adamah Klouvi. Le résultat ne s’est pas fait attendre, et on peut parler de dégringolade. La production de café est passée de 19 450 t en 1997 à 6 965 t en 2003. Pour le cacao, la baisse est identique. De 14 580 t en 1997, on parvient à 4 406 t six ans plus tard. Depuis, les productions ont tendance à remonter au gré des fluctuations du marché mondial, mais le mal est fait. Dans la zone de Litimé, d’où provient 70 % du cacao, les cabosses sont attaquées par une maladie appelée le « balai de la sorcière ». La propagation de ce virus dans les plantations est fulgurante. À la clé, une chute du rendement. Face à ce fléau, il faut arracher et replanter, soit une dizaine d’années sans revenu avant de reconstituer un verger. « Si on veut véritablement relancer ces deux filières, il faut investir massivement et mettre un peu d’ordre », conclut l’agroéconomiste de la Banque mondiale.

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