Le traité d’amitié franco-algérien ? Rien ne presse
De retour à Alger après sa visite historique en France, au mois de juin 2000, le président algérien Abdelaziz Bouteflika commentait sobrement : « Je rentre les mains vides. » La formule pourrait être reprise à son compte par Philippe Douste-Blazy, le ministre français des Affaires étrangères, à l’issue de son séjour en Algérie, les 9 et 10 avril. Principale raison de sa visite, la signature d’un traité d’amitié censé sceller la « refondation des relations » entre les deux pays est en effet remise aux calendes grecques. L’idée en avait été lancée en février 2003, peu avant le voyage de Jacques Chirac à Alger
Dimanche 9, au cours du dîner officiel en l’honneur de la délégation française, Mohamed Bedjaoui, le chef de la diplomatie algérienne, avait annoncé la couleur, à demi-mot : « Ce projet de traité, tout le monde en parle, mais personne ne le connaît. C’est peut-être une bonne chose. Si nous voulons reformuler en profondeur nos relations, il nous faudra de la volonté et du temps. Pour mener à bien une telle ambition. Il ne faut pas précipiter les choses. » Le lendemain, au cours d’une conférence presse tenue en compagnie de son hôte, souriant mais visiblement mal à l’aise, il s’est montré plus précis : « Les conditions objectives, subjectives et psychologiques ne sont pas tout à fait propices aujourd’hui. [] L’opinion française n’est pas prête à la conclusion de ce traité. »
Bien entendu, le Quai d’Orsay savait depuis plusieurs jours que l’accueil des Algériens serait tiède. Maintes fois annoncée, la venue de Douste-Blazy avait été à chaque fois reportée, au point qu’on en était venu à se demander si elle était réellement souhaitée à Alger. Indiscutablement, le ministre paie son appartenance à l’UMP, dont il est le secrétaire général. Le parti au pouvoir à Paris est en effet l’un des principaux promoteurs de la loi du 23 février 2005 évoquant le « rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». À l’époque, l’adoption de ce texte par l’Assemblée nationale française avait provoqué une levée de boucliers en Algérie, à peine tempérée par son abrogation, en janvier 2006. Les Algériens continuent de réclamer de l’ancien colonisateur un acte de repentance pour les crimes commis en cent trente ans d’occupation. Tenter de convaincre les partenaires algériens de la volonté française de tourner définitivement la douloureuse page du passé et de fonder un nouveau partenariat, telle était donc la mission de Douste-Blazy. Dans le contexte, il s’agissait sans doute d’une mission impossible.
L’audience que lui a accordée, lundi 10 avril, Abdelaziz Bouteflika n’a fait que confirmer les appréhensions françaises. Autant le chef de l’État peut se montrer chaleureux quand il accueille des hôtes de marque au palais d’El-Mouradia, autant il s’est, cette fois, montré réservé. Deux heures et demie durant, il n’a pas cherché à éluder les sujets qui fâchent. Au-delà même de la loi controversée, ils sont nombreux : du problématique retour des harkis dans leur pays natal au nombre très insuffisant de visas accordés aux ressortissants algériens, en passant par l’alignement constant de la France sur les positions marocaines dans le conflit du Sahara occidental. Tout cela ne contribue évidemment pas à atténuer le caractère passionnel à l’excès des relations algéro-françaises. Si, aujourd’hui, les Français souhaitent vivement la mise en place d’un « partenariat d’exception » en vue de consolider leurs positions économiques en Algérie – ils en sont le premier fournisseur et le quatrième client -, leurs interlocuteurs semblent leur répondre : « Rien ne presse. »
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