Le grand « turkisme »

Exacerbation du sentiment nationaliste en Turquie.

Publié le 18 avril 2006 Lecture : 2 minutes.

On en a chaque jour la preuve : le nationalisme turc, déjà fort en temps ordinaire, ne cesse de croître. Les symptômes ? Un antiaméricanisme virulent depuis la guerre d’Irak ; des revendications passéistes sur des régions du Kurdistan irakien peuplées de « frères de sang » turkmènes ; des rancurs à l’égard d’une Union européenne (UE) trop réticente à accueillir la Turquie en son sein ; et, surtout, la recrudescence du problème kurde dans le pays même : une série d’émeutes a entraîné la mort de 16 personnes depuis le début d’avril, alors que la guerre civile, qui fit 36 000 morts entre 1984 et 1999, s’était éteinte.
Un sondage réalisé par l’institut Infakto avec la collaboration de l’université Bilgi d’Istanbul à la fin du mois de février, sur un échantillon de 800 personnes, confirme la tendance. Non seulement 68 % des sondés se disent ouvertement « nationalistes », mais 55,9 % d’entre eux constatent que ce sentiment est en pleine expansion et en attribuent la cause à l’activisme du PKK, le parti séparatiste kurde. Résultat : 41,9 % des personnes interrogées se satisfont du terme de « turcité ». Mais cette fierté n’est pas liée à des critères ethniques ou religieux : pour l’écrasante majorité des sondés, être turc, c’est être « citoyen de la République turque ». Et 69 % estiment qu’il n’est pas nécessaire d’être musulman pour être turc. Côté politique, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan passe pour être le « leader le plus nationaliste » (40,4 %). Paradoxalement, cet ex-islamiste converti aux valeurs du centre-droit mais toujours mal vu par l’armée devance Devlet Bahçeli (30,5 %), le chef du MHP, un parti d’extrême droite qui ne fait pas dans la nuance ! Autre paradoxe : alors que la moitié des personnes interrogées affirme que l’UE essaie de diviser la Turquie (notamment en appelant au respect du droit des minorités), 63 % des sondés soutiennent le processus d’adhésion à l’Europe.
À l’extérieur des frontières, les États-Unis, pourtant vieux alliés d’Ankara au sein de l’Otan, sont perçus comme la menace principale, suivis par l’éventuelle création d’un État kurde indépendant dans le nord de l’Irak. Les postures belliqueuses de l’administration Bush vis-à-vis de l’Iran ne devraient pas apaiser l’inquiétude des Turcs, qui redoutent depuis trois ans un embrasement de la région.

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