L’alchimie du docteur Yayi

Le chef de l’État nouvellement élu a mis en place un gouvernement rajeuni et resserré. Une équipe essentiellement composée de technocrates qui respecte l’équilibre des différentes forces politiques.

Publié le 18 avril 2006 Lecture : 4 minutes.

Un gouvernement réduit à 22 membres dont aucun n’a jamais été titulaire d’un portefeuille ministériel : le nouveau président béninois, Boni Yayi, élu le 19 mars au second tour de l’élection présidentielle avec 74,5 % des voix, a tenu parole.
Durant toute sa campagne électorale, axée sur la rupture et le changement, l’ancien patron de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), docteur en économie, avait promis l’arrivée aux affaires d’une nouvelle génération en cas de victoire : « Des hommes neufs, propres et compétents », martelait-il. Le discours a été suivi d’effets puisque les principaux partis sont tous représentés, mais avec parcimonie. Le casting a rejeté les vieux briscards au profit de technocrates plus jeunes et moins associés aux errements du passé. Des nouveaux venus qui n’incarnent pas la classe politicienne désavouée lors du scrutin. « Après les deux mandats de Mathieu Kérékou, il fallait rompre avec les habitudes tout en respectant les rapports de force, analyse un observateur politique. Malgré son inexpérience, le chef de l’État a géré la situation avec tact et doigté. Il n’a fâché personne et contenté tout le monde. » Sauf, peut-être, quelques personnalités de son entourage.
Des membres de son équipe de campagne, seuls trois restent à ses côtés. L’homme d’affaires Edgard Alia, 53 ans, est nommé ministre de la Sécurité publique et des Collectivités locales. Albert Agossou, 64 ans, qui avait pour mission de mobiliser la diaspora, se retrouve ministre délégué en charge de l’Intégration africaine et des Béninois de l’extérieur auprès du ministre des Affaires étrangères. Quant à l’homme de confiance, Me Ahamed Akobi, directeur national adjoint de campagne, il devient directeur de cabinet civil du président de la République. Un poste stratégique et très envié, car situé au cur de l’appareil d’État. Les autres ont vu leurs ambitions sacrifiées sur l’autel des équilibres au sein de la mouvance présidentielle. « Tout le monde ne pouvait pas être ministre, et l’essentiel était de tenir nos engagements, quels que soient les sacrifices », estime un proche de Boni Yayi. Le chef de l’État a malgré tout conservé une place de choix à un membre de sa famille : Issifou Kogui N’Douro quitte l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) pour le ministère de la Défense nationale.
Pour les autres postes ministériels, le président béninois a voulu s’appuyer sur des hauts fonctionnaires « choisis pour leurs compétences et leur connaissance avérée des départements ministériels » qui leur ont été attribués. Ainsi de Pascal Irénée Koupaki, un proche d’Adrien Houngbédji, le malheureux concurrent du nouveau président, propulsé à la tête d’un superministère du Développement, de l’Économie et des Finances. Après avoir effectué une grande partie de sa carrière à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), il a occupé le poste de directeur de cabinet d’Houngbédji, lorsque celui-ci était Premier ministre de Mathieu Kérékou entre 1996 et 1998. Proche du chef de l’État, Cossi Gaston Dossouhoui (49 ans), le nouveau ministre de l’Agriculture, est, lui, l’ancien directeur de l’Office national d’appui à la sécurité alimentaire. Moudjaïdou Issifou Soumanou (47 ans), qui prend en charge le portefeuille du Commerce, accède à la tête d’une administration où il a toujours travaillé. Ancienne ambassadrice et secrétaire générale du ministère des Affaires étrangères et de l’Intégration africaine, Mariam Aladji Boni, épouse Diallo (53 ans), hérite de la Diplomatie. Jusqu’ici consultante indépendante pour le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), Colette Houeto (67 ans) est nommée à l’Enseignement primaire et secondaire. Quant à Flore Gangbo (49 ans), promue ministre de la Santé, elle était auparavant directrice de la recherche au ministère de la Santé et maître-assistante à la faculté des sciences de l’université d’Abomey-Calavi.
De leur côté, les battus du premier tour, réunis sous la bannière Wologédé (« la chaîne difficile à contourner », en fon), ont dû revoir leurs prétentions à la baisse. Léhadi Soglo, ex-candidat de la Renaissance du Bénin (RB), s’imaginait bien dans la peau d’un ministre d’État. Il en est pour ses frais, puisque la RB n’a, finalement, obtenu qu’un seul maroquin. Son directeur de campagne, Abraham Zinzindohoué (58 ans), avocat et ancien président de la Cour suprême de 1995 à 2000, devient ministre de la Justice, garde des Sceaux et porte-parole du gouvernement. « On espérait deux ou trois postes, et j’aurais aimé être secondé. Mais le président était dans l’obligation de respecter la volonté des électeurs en renouvelant la classe politique », admet Zinzindohoué, avant de conclure : « Tout le monde a dû faire des concessions. » De fait, le candidat Bruno Amoussou de l’Alliance Bénin nouveau (ABN) n’a pu placer que deux des siens : Théophile Montcho (56 ans) à la Culture, aux Sports et aux Loisirs, et Jocelyn Dégbè (52 ans) aux Mines, à l’Énergie et à l’Eau.
Conscient que son état de grâce ne tient qu’à un fil, Boni Yayi a donc misé sur un gouvernement resserré et une équipe de cadres. Manière, pour lui, de se placer au-dessus des partis politiques. Reste à prouver que des techniciens compétents peuvent aussi faire de bons ministres.

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