L’aide internationale dans la ligne de mire

La reprise des financements de l’Union européenne reste subordonnée au Dialogue intertogolais et à la tenue de législatives anticipées.

Publié le 18 avril 2006 Lecture : 3 minutes.

La dernière mission de l’Union européenne envoyée à Lomé, du 28 au 30 mars dernier, annonce-t-elle un retour des bailleurs de fonds au Togo ? Au pas de charge, les représentants européens ont eu des entretiens avec les autorités et les acteurs politiques du pays ainsi que les représentants de la société civile. L’ambassadeur d’Allemagne, Klaus-Günther Grohmann, dont le pays a toujours fait preuve de fermeté à l’égard du régime d’Eyadéma, a organisé une réception à laquelle les journalistes n’étaient, semble-t-il, pas les bienvenus. L’heure était-elle à la réconciliation entre les pragmatiques et les inflexibles ? Impossible de le savoir, car la conférence de presse prévue le lendemain a tout simplement été annulée. Quant à la délégation, elle s’en est retournée à Bruxelles sans avoir fait la moindre déclaration. Beaucoup d’incertitudes pour une affaire qui n’a que trop duré.
La suspension de l’aide internationale pour « déficit démocratique » remonte à 1993. Depuis, les lignes bougent péniblement. Entre l’inertie du pouvoir togolais et les atermoiements européens, il a fallu attendre octobre 2003 pour entrevoir une timide reprise des consultations, qui ont conduit, en avril 2004, à l’adoption des 22 engagements en vue d’une reprise de la coopération. Depuis, une majorité de ces engagements ont été tenus, mais il en reste deux. Et pas des moindres, puisqu’il s’agit du dialogue politique et de la convocation d’élections législatives anticipées.
« Nous étions sur la bonne voie, mais le décès du général Eyadéma, en février 2005, a bloqué le processus, se souvient un proche du dossier. Si le Togo avait du pétrole, les sanctions auraient été moins lourdes, ajoute-t-il, avant de dénoncer la raideur des 22 engagements imposés à Lomé. C’est Bruxelles qui a tenu la plume. » Aujourd’hui, les deux parties semblent vouloir profiter d’une fenêtre d’opportunité. Du côté de l’Union européenne, le commissaire au Développement et à l’Aide humanitaire, Louis Michel, a pris le dossier à bras-le-corps et a multiplié les initiatives pour rapprocher les points de vue. Finalement, il semble que la diplomatie française, marquée par une certaine compréhension, ait pris le dessus sur Berlin, plus rigide sur la question du respect des droits de l’homme et des avancées démocratiques. Quant au régime togolais, il espère capitaliser sur les signes d’ouverture adressés à la communauté internationale depuis l’accession au pouvoir de Faure Gnassingbé. L’enjeu est de taille pour Lomé.
Le IXe Fonds européen de développement (FED, 2002-2006) dispose encore de 40 millions d’euros qui n’ont pas été décaissés. Le lancement du Xe FED (2007-2012) dépend de l’exécution du précédent. Par ailleurs, l’attitude des institutions de Bretton Woods reste subordonnée à la décision européenne. « Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale sont spectateurs. Tant que Bruxelles n’aura pas franchi un pas, ils resteront en retrait », analyse un observateur.
À ce jour, l’aide étrangère au Togo se réduit à la portion congrue. À peine 2 % d’un budget national étriqué sur lequel les dépenses de fonctionnement pèsent près de 60 %. Les engagements français ne dépassent pas 10 millions d’euros par an. L’Agence française pour le développement (AFD) finance uniquement deux projets dans les domaines de l’éducation et de la santé, respectivement dans la région de Kara (Nord) et celle des Plateaux (Centre). Montant total des dons : 29 millions d’euros sur trois à quatre ans. « La suspension de l’aide est un frein au développement », constate un fonctionnaire international en poste à Lomé. Avant de conclure : « Les deux seuls pays sous sanction européenne sont le Togo et le Zimbabwe. » Pour sa part, la Banque mondiale, en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), a lancé en octobre 2005 la première phase d’un programme d’urgence de réduction de la pauvreté, à Dapaong, dans le département des Savanes, situé à la frontière avec le Burkina. À terme, les montants alloués doivent dépasser 3,9 millions d’euros avec une extension prévue dans les régions de Kara, la région centrale et celle des Plateaux. « L’argent va directement aux communautés, mais nous ne pouvions pas rester les bras croisés, même si les autorités du pays nous doivent de l’argent », précise l’institution dirigée par Paul Wolfowitz. La Banque mondiale a suspendu ses prêts en 2002 en raison du non-paiement d’arriérés qui s’élèvent à 65 millions d’euros. En cas de reprise de la coopération, Lomé pourrait bénéficier d’un crédit pour combler ce trou. Décidément, la décision de Bruxelles pèse très lourd.

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