D’un génocide à l’autre

Publié le 18 avril 2006 Lecture : 3 minutes.

Il y a douze ans ce mois-ci, le Rwanda a été le théâtre de l’un des massacres les plus épouvantables de l’histoire de l’humanité. Près d’un million de personnes ont été exterminées, abattues à coups de machettes, au seul motif qu’elles étaient tutsies ou hutues modérées. Alors que les chaînes de télévision du monde entier diffusaient des images de corps atrocement mutilés, la communauté internationale restait impuissante. Aujourd’hui, nous essayons de tirer les leçons de cette tragédie, et nous devons prendre l’engagement de prévenir à tout prix un nouveau génocide. Nous ne pouvons prétendre avoir retenu une quelconque leçon de 1994 si nous ne prenons que de timides mesures face aux violences du même type lorsqu’elles ont lieu ailleurs dans le monde. La situation au Darfour, où la menace plane toujours, requiert un véritable engagement.

Il n’a pas fallu attendre plus d’un an après la tragédie rwandaise pour que, dans la ville bosniaque de Srebrenica, le monde entier assiste à nouveau à cette barbarie. Malgré nos déclarations solennelles sur la responsabilité des États, l’action collective que nous menons est encore loin de répondre aux besoins.
Pour inciter la communauté internationale à prendre des mesures préventives, Kofi Annan m’a nommé conseiller spécial pour la prévention des génocides. Il a voulu mettre l’accent sur le fait que les violations massives et systématiques des droits de l’homme sont une menace pour la paix et la sécurité. Mon rôle consiste notamment à tenir le Conseil de sécurité informé de tout acte appelant une intervention de la communauté internationale.

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Je m’appuie sur la Convention de 1948 contre le génocide, instrument universel ayant force obligatoire, qui a pour objet non seulement de punir, mais de prévenir. Cette obligation juridique est renforcée par l’engagement politique et moral qu’ont pris les États membres de l’ONU, lors du Sommet de septembre 2005, de protéger les populations civiles contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité. Lorsque les gouvernements ne sont pas disposés à protéger leurs citoyens ou n’en ont pas les capacités, des moyens non consensuels peuvent être nécessaires. J’insiste cependant sur le fait qu’il est toujours préférable d’avoir l’assentiment du gouvernement concerné en cas d’intervention.
Malgré tout, des populations continuent d’être la cible d’actes de violence en raison de leur origine ethnique. Si la communauté internationale a réussi à sauver de nombreuses vies au Darfour, beaucoup reste à faire, et il faut agir vite. L’opération de secours humanitaire permet actuellement à près de 3 millions de personnes, dont plus de 2 millions de déplacés, de subsister, mais la situation reste instable. Les forces de maintien de la paix de la Mission de l’Union africaine au Soudan (Muas) ont certes contribué à contenir la violence et à protéger les civils, mais leur action a été entravée par des problèmes de logistique et de financement.

Plus grave encore, le gouvernement soudanais et les groupes rebelles ont parfois empêché la Muas de conduire ses opérations. Il est donc indispensable de renforcer les forces de maintien de la paix au Darfour, qu’il s’agisse de la Muas ou de la future mission des Nations unies que l’Union africaine a récemment approuvée. Pour être efficaces, ces forces doivent être mieux équipées, bénéficier d’un meilleur appui et recevoir des fonds sans attendre. C’est maintenant qu’il faut renforcer une telle présence, alors que les attaques contre les populations civiles s’étendent au Tchad voisin.
Nous pouvons tous contribuer à faire de la prévention du génocide une réalité. Les citoyens du monde peuvent faire pression sur leurs dirigeants pour qu’ils ne se contentent pas de déclarations d’intention. Nous devons prendre des mesures efficaces pour empêcher que la violence ne dégénère en génocide. Nous ne devons pas attendre qu’un nouveau Rwanda se produise. Pour la mémoire des victimes, pour nous-mêmes et pour les générations futures, nous devons tout faire pour que l’humanité n’ait pas, à nouveau, à subir de telles atrocités.

* Avocat argentin et ancien président de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, Juan Mendez est conseiller spécial du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies pour la prévention du génocide.

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