Duel stérile

Si Berlusconi, malgré son bilan calamiteux, n’a pas essuyé la déroute qui lui semblait promise, c’est en partie grâce… à ses adversaires.

Publié le 18 avril 2006 Lecture : 2 minutes.

Il est malheureusement dans l’ordre des choses que le legs du gouvernement de Silvio Berlusconi à l’Italie soit une gigantesque pagaille. Son rival, Romano Prodi, a obtenu une victoire à l’arraché et ne disposera donc que d’une fragile majorité au Parlement. Un gouvernement faible, à la tête d’un pays nettement divisé, permettra à Berlusconi de continuer à jouer un rôle important chaque fois qu’il aura intérêt à bloquer une mesure.
Quelques mois avant l’élection, selon la plupart des sondages, Il Cavaliere accusait un retard de huit à dix points et, tout à la fin, les estimations de sortie des isoloirs créditaient encore la coalition de centre-gauche de la victoire avec une confortable marge de quatre à cinq points. Bien qu’il ait mené une campagne sans éclat, le centre-gauche semblait jouir d’un avantage quasiment insurmontable : un mécontentement généralisé devant les performances du gouvernement Berlusconi.
L’Italie a connu en 2005 une croissance nulle. En cinq ans, le PIB n’a progressé que de 3,2 %, la plus mauvaise performance des Vingt-Cinq, dont la croissance moyenne est de 7,1 %, soit le double. En termes de compétitivité, l’Italie a chuté de la 24e à la 47e place mondiale, selon le classement du Forum économique mondial (WEF). La productivité de la péninsule et ses exportations ont baissé, et le niveau de vie, supérieur à la moyenne européenne en 2000, s’est réduit de 7 %. Le PIB italien, qui talonnait celui du Royaume-Uni au début des années 1990, lui est désormais inférieur de plus de 15 %.
Tous ces mauvais résultats ne sont pas de la seule responsabilité de Berlusconi. Les gouvernements de centre-gauche, entre 1996 et 2001, n’ont guère fait mieux. Pendant ces années où l’Europe a globalement connu une croissance moyenne annuelle de 3,1 %, la croissance italienne a atteint seulement 2,2 % ; pendant les années Berlusconi, la croissance européenne a été de 1,45 % quand l’Italie se traînait à 0,35 %.
Même le think-tank conservateur Heritage – certainement pas un ennemi idéologique de Berlusconi – a conclu que le degré de liberté économique de l’Italie s’était légèrement accru sous le gouvernement de centre-gauche pour diminuer pendant la période Berlusconi.
Comment se fait-il, avec un tel bilan, que les résultats des élections soient aussi serrés ? L’une des explications est la mainmise quasi permanente de Berlusconi sur la télévision. Lui et ses alliés du centre-droit ont bénéficié d’environ 60 % de couverture sur les chaînes publiques qu’il contrôle indirectement, tandis que sur les chaînes lui appartenant en propre, il a été entre deux et sept fois plus présent que son rival. Cette situation a pu peser fortement dans une élection où les nombreux indécis ont attendu le dernier moment avant de s’y intéresser.
Mais le monopole d’Il Cavaliere sur la télévision n’explique pas tout. Il est non moins vrai que Prodi et son centre-gauche n’ont guère fourni aux Italiens de raisons positives fortes de voter pour eux, comme s’il leur avait paru suffisant de ne pas être Berlusconi. En forçant les électeurs à trancher entre les deux mêmes candidats qu’en 1996 (Prodi avait alors gagné), le duel Prodi-Berlusconi a déprimé de nombreux Italiens impatients de voir se concrétiser un vrai changement. La droite comme la gauche ont donné l’image d’un pays fatigué, ayant un besoin urgent de sang neuf et d’idées nouvelles pour résoudre les problèmes auxquels est confrontée une Italie en (relatif) déclin.

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