Qui sont les fauteurs de guerre ?

Paralysé par son alliance avec la droite ultranationaliste, à laquelle il emprunte même son vocabulaire belliqueux, le gouvernement israélien semble dans l’incapacité de s’engager sur le chemin de la paix avec les Arabes, comme l’y presse la communauté in

Publié le 17 mars 2008 Lecture : 6 minutes.

L’historien Bernard Lewis, 93 ans, pourfendeur de l’islamisme et père spirituel des néoconservateurs américains, l’a dit clairement au Premier ministre israélien, Ehoud Olmert, à Jérusalem, au début du mois : il ne peut pas y avoir de négociation avec les régimes de Téhéran et de Damas, il faut les « remplacer ». Nous voilà donc revenus au « changement de régime » ! Comme s’il ne s’était rien passé depuis 2003 ! Comme si la catastrophique guerre d’Irak n’avait pas apporté la preuve de cette lubie des « néocons » qui consiste à utiliser la puissance américaine pour renverser et « réformer » les régimes arabes afin de rendre le Moyen-Orient plus sûr pour Israël et les États-Unis.
S’il y a un régime qu’il faut changer dans la région pour lui épargner une autre flambée de violence, c’est celui d’Olmert et de son ministre de la Défense, Ehoud Barak. L’un et l’autre sont des Premiers ministres discrédités : Olmert, par la guerre lamentable, mal conçue et désastreuse qu’il a menée au Liban en 2006 ; Barak par son incapacité à saisir l’occasion de faire la paix avec les Palestiniens et la Syrie en 2000. Loin de tirer les leçons de leurs erreurs, ils semblent être prisonniers d’un tissu d’idées fausses : l’expansion des colonies peut continuer indéfiniment quoi que dise la communauté internationale ; les mouvements de résistance comme le Hamas et le Hezbollah peuvent être éliminés par la force, les sanctions et le boycott ; l’Iran constitue une « menace existentielle » – pas seulement pour Israël, mais pour le monde entier – qu’il faut à tout prix écarter, au besoin par la force ; l’État hébreu n’est pas tenu de restituer les hauteurs du Golan à la Syrie ; la dissuasion est la clé de la sécurité d’Israël ; et les États-Unis garantiront à tout jamais « la suprématie militaire qualitative » d’Israël sur l’ensemble du monde arabe.

Bachar prêt à négocier
Il y a un contraste extraordinaire entre cette politique de l’autruche et l’attitude d’une bonne partie du monde arabe. De fait, la plupart des Arabes semblent aujourd’hui impatients de mettre fin, une fois pour toutes, à leur conflit avec Israël pour profiter du filon de la richesse pétrolière, qui leur donne une chance unique de développer et de moderniser leurs sociétés. Le plan de paix arabe – qui propose à Israël la normalisation de ses relations avec les vingt-deux États arabes s’il se retire dans ses frontières de 1967 – reste sur la table. Le président syrien Bachar al-Assad a dit et répété qu’il était prêt à engager des négociations de paix sans condition avec Israël. Le Hamas a proposé à Tel-Aviv une hodna, une trêve de dix, vingt ou même cinquante ans. Et pourtant, Israël refuse obstinément de prendre ces mains tendues et se retranche dans une attitude négative. Il fait seulement mine de négocier avec le président palestinien Mahmoud Abbas, alors que George W. Bush a déclaré qu’il veut un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens avant la fin de l’année. Le même message a été adressé, la semaine dernière, à Israël par un autre de ses bons amis, le président Nicolas Sarkozy. Au dîner officiel offert à Paris au président Shimon Pérès, Sarkozy a rappelé à son invité qu’un État palestinien indépendant, démocratique et viable était la meilleure garantie de la future sécurité d’Israël.
En fait, c’est toute la communauté internationale qui presse l’État hébreu de s’engager sur le chemin de la paix pour son soixantième anniversaire. Mais Israël reste sourd. Pourquoi ? Est-ce parce que les Israéliens ne veulent pas la paix ? Tous les sondages montrent le contraire. Les deux tiers des Israéliens semblent prêts à renoncer aux colonies pour la paix et 64 % estiment que le gouvernement doit traiter directement avec le Hamas. Ce qui est en cause, ce n’est pas tant l’opinion publique israélienne que la configuration actuelle de la politique israélienne. Les dirigeants de l’État hébreu sont paralysés par la droite ultranationaliste, qui menace de faire tomber le gouvernement et exige l’arrêt immédiat des discussions avec les Palestiniens si elles dépassent le stade des échanges creux et vains. C’est ce qui interdit à Olmert de prendre des initiatives hardies en faveur de la paix. D’où la nécessité d’un changement urgent de gouvernement.
Cet impératif est renforcé par les événements sanglants de ces dernières semaines. Ils ont eu pour origine une attaque massive d’Israël sur Gaza, dans le but de mettre fin aux tirs de roquettes contre Sderot et d’autres villes israéliennes. Les opérations ont entraîné la mort de plus de 130 Palestiniens, dont la moitié sont des femmes et des enfants. Il faut rappeler ici que les roquettes Qassam, dont la première a été tirée le 16 avril 2001, ont tué douze Israéliens en sept ans.

la suite après cette publicité

Incitation à la violence
La réponse d’un jeune Palestinien aux massacres de Gaza a été de lancer une attaque terroriste contre l’école religieuse de Mercaz HaRav, à Jérusalem, dans la nuit du 6 mars. Huit étudiants ont été tués et plusieurs autres blessés. Tous les Israéliens qui gardent un reste de raison reconnaîtront qu’une attaque, que ce soit contre la yeshiva ou contre une autre cible juive, était fortement prévisible. Le président Bush, qui, après les raids sur Gaza, s’est contenté d’appeler Israël à un peu plus de retenue, a qualifié l’attaque contre Mercaz HaRav de « barbare » et « haineuse ». Hillary Clinton a dénoncé « un méprisable acte de terrorisme », et Barack Obama une « attaque lâche et scandaleuse ». Le jeune et inexpérimenté secrétaire au Foreign Office, David Millband, y a vu « une flèche dirigée contre le processus de paix ». Quel processus de paix ? Mercaz HaRav est un foyer d’extrémisme religieux sioniste. C’est un berceau du mouvement de colonisation. Outre qu’elle a produit une longue liste de personnages violents, cette yeshiva a donné naissance au Goush Emounim, ce mouvement de malfrats qui, revolver à la main, accaparent des terres, arrachent des oliviers, s’installent au cur des villes arabes et rendent la vie impossible aux Palestiniens dans les territoires occupés. C’est là le véritable obstacle à la paix.
En termes d’incitation à la violence et de lavage de cerveau des adolescents, le bilan de Mercaz HaRav est au moins aussi mauvais que celui de n’importe quelle madrasa extrémiste au Pakistan. Un gouvernement israélien qui souhaiterait vraiment la paix devrait fermer l’établissement. Pourtant, dans l’Israël d’aujourd’hui, c’est impensable. Après la mort des huit étudiants, des foules se sont rassemblées aux cris de « Mort aux Arabes ! ». Des militants de droite ont réclamé la création de huit nouvelles colonies en Cisjordanie : ce serait « une bonne réponse sioniste » aux meurtres. Olmert a cédé à la pression et autorisé la construction de 750 nouveaux logements dans la colonie de Givat Ze’ev, à Jérusalem-Est. Or, sans Jérusalem-Est comme capitale, il ne peut y avoir d’État palestinien viable et donc de processus de paix digne de ce nom.
Entre-temps, le ministre de la Défense, Ehoud Barak, s’est opposé à toute idée de cessez-le-feu avec le Hamas. Il a démenti les rumeurs selon lesquelles Israël serait en contact indirect avec le mouvement islamiste par l’intermédiaire de l’Égypte. « Les opérations continuent et continueront à Gaza », a-t-il affirmé. On ne peut rien espérer du canard boiteux George W. Bush, dont les années à la Maison Blanche ont causé des dommages catastrophiques aux États-Unis et au Moyen-Orient. Il faudra que le prochain président américain fasse front avec une Union européenne résolue pour que cette folie prenne fin et pour qu’il y ait une chance de paix – dans l’intérêt des Arabes comme des Israéliens.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires