Anne Lauvergeon se défend bec et ongles, appuyée par Jean-Cyril Spinetta

Mise en cause dans un rapport de la cour des comptes sur sa gestion d’Areva de 2006 à 2011, « Atomic Anne » fait valoir ses arguments, épaulée par Jean-Cyril Spinetta, président du conseil de surveillance du groupe de 2009 à 2013.

L’ancienne patronne d’Areva se dit victime d’un acharnement. © AFP

L’ancienne patronne d’Areva se dit victime d’un acharnement. © AFP

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 21 mai 2014 Lecture : 4 minutes.

Anne Lauvergeon a trouvé un bon avocat en la personne de Jean-Cyril Spinetta, président du conseil de surveillance d’Areva de 2009 à 2011, période pendant laquelle elle terminait son mandat de présidente du directoire du groupe nucléaire français. Alors qu’un pré-rapport de la Cour des comptes française, rendu public le 14 mai dernier, égratigne sévèrement la gestion de l’ancienne patronne entre 2006 et 2012, Spinetta a décidé de monter au créneau pour défendre les décisions et le bilan d’ »Atomic Anne ».

Pantins

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« Je ne me retrouve pas dans le rapport de la cour des comptes », a confié Spinetta aux journalistes, rassemblés ce jeudi 21 mai à l’hôtel des Arts et Métiers à Paris. « Je suis frappé par l’extrême personnalisation de ses critiques à l’encontre d’Anne Lauvergeon, présidente du directoire, alors que ce dernier est un organe collégial. Comme si tous les autres intervenants de cette entreprise de 50 000 employés, et notamment les auditeurs et le directeur financier, n’avaient pas eu leur mot à dire. Comme si les membres du conseil de surveillance que je présidais, ou du directoire, n’étaient que des pantins. Je ne suis pas un pantin ! », s’est exclamé, très remonté, celui qui est aussi l’ancien patron d’Air France.

Pour mettre à mal l’idée d’une présidente du directoire d’Areva « toute-puissante », Jean-Cyril Spinetta met en avant la cession des activités de distribution électrique (Areva T&D), pour 4 milliards d’euros à Alstom et Schneider Electric. « C’était une décision souhaitée par l’État et par moi, mais contestée initialement par Anne Lauvergeon. Nous nous en sommes expliqués, et elle s’est inclinée. Elle a même collaboré pour que cette opération soit couronnée de succès », affirme-t-il.

Anne Lauvergeon s’interroge sur le lien entre les accusations de la Cour des comptes et le fait d’avoir été « une femme à la tête d’un grand groupe industriel, un cas isolé en France ».

Rachat d’Uramin

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Et l’énarque de revenir en détail sur le dossier – très africain – du rachat d’Uramin, pour 1,8 milliard d’euros en 2007, deux ans avant son arrivée chez Areva.

« J’ai examiné avec attention ce dossier dès mon arrivée en mai 2009. Placé dans la même situation, je me serai prononcé en faveur du rachat de cette société détenant 3 gisements principaux, à Trekkopje en Namibie, Bakouma en Centrafrique, et Ryst Kuil en Afrique du Sud », a-t-il expliqué.

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L’ancien président du conseil de surveillance a ainsi rappelé qu’à l’époque Areva ne détenait des mines qu’au Niger. Selon lui, il y avait un risque stratégique pour l’entreprise de dépendance vis-à-vis de ce pays situé dans un Sahel politiquement instable.

Spinetta a également défendu le prix d’acquisition : « Les réserves d’Uramin, initialement estimées à 90 000 tonnes d’uranium, ont été valorisées avec prudence, à 60 000 tonnes, dont 44 000 tonnes pour Trekkopje, 15 000 pour Bakouma, et 5000 pour Ryst Luil. Aujourd’hui, après la poursuite de l’exploration, ces réserves ont été revues à la baisse à 39 000 tonnes pour Trekkopje, mais ont été augmentées à 38 000 tonnes pour Bakouma, même si les troubles en Centrafrique en empêchent actuellement l’exploitation », affirme Spinetta.

Actifs

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L’énarque s’est ensuite étendu sur la dépréciation des actifs : une première provision a été passée, de 300 millions d’euros au 1er semestre 2010, en raison de prix orientés à la baisse, puis de 126 millions d’euros au second semestre 2010, à cause d’un retard d’un an à Trekkopje, et enfin, de 1,460 milliard d’euros en 2011, « principalement à cause de l’impact de la catastrophe de Fukushima, et non pas à cause d’une mauvaise estimation de la teneur des gisements », indique Spinetta.

« Ces provisions ont été validées par les commissaires aux comptes, des professionnels peu complaisants », affirme-t-il. Et de conclure. « J’en suis persuadé, quand l’exploitation reprendra à Trekkopje et démarrera à Bakouma, ces investissements s’avéreront payants ! Les provisions passées [de 1,8 milliard de dollars au total, ndlr] ne correspondent pas à des pertes réelles de trésorerie, mais à une opération comptable ».

« Acharnement »

Moins bavarde que son défenseur, Anne Lauvergeon, qui s’est expliquée face à la Cour des comptes le 14 avril dernier, a estimé être victime d’un « acharnement », s’interrogeant sur le lien entre les accusations de la Cour des comptes et le fait d’avoir été « une femme à la tête d’un grand groupe industriel, un cas isolé en France ».

« Areva a généré 3 milliards d’euros de dividendes pour l’État français, la valeur en bourse du groupe a pris 165 %, et nous avons créé 30 000 emplois », a-t-elle rappelé.

Comme Spinetta, elle a mis en avant la « collégialité » et la « séparation des pouvoirs » au sein du groupe Areva quand elle en était aux manettes. « Je suis étonnée que dans ce rapport, il se soit fait aucune mention de mon bilan à la tête du groupe. Areva a généré 3 milliards d’euros de dividendes pour l’État français, la valeur en bourse du groupe a pris 165 %, et nous avons créé 30 000 emplois », a-t-elle affirmé.

« Et surtout, regrette-t-elle, il est incompréhensible qu’il faille attendre la page 72 du rapport [sur 112 au total, ndlr] pour que soit mentionnée la catastrophe de Fukushima, alors que celle-ci a eu des conséquences majeures sur la valorisation de nos actifs miniers, et nous a amené à revoir complètement la stratégie du groupe ».

Quant à sa « forte personnalité », mise en exergue par la Cour des comptes, elle fait valoir que la présence d’ »une présidente dynamique et réactive était une bonne chose pour Areva, au sein d’une équipe de direction qui ne manquait pas d’autres fortes têtes. À ce niveau de responsabilité « mieux vaut ne pas être une pâquerette ! ». Après confrontation avec les différentes parties prenantes, dont Anne Lauvergeon et Jean-Cyril Spinetta, la Cour des comptes remettra la version finale de son rapport dans quelques mois.

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