Nouveau Marock
Avec Hoba Hoba Spirit et Darga, le rock redessine le paysage musical du royaume chérifien.
Ils sont partout, à la radio, à la télé, sur Internet En quinze jours, entre le 25 février et le 10 mars, le quatrième opus des très rock Hoba Hoba Spirit, Al Gouddam (« en avant, à l’attaque »), a été téléchargé gratuitement 30 000 fois sur le site du groupe. Alternative au piratage ? « De toute façon, le disque se serait retrouvé sur Internet, alors autant le faire nous-mêmes », commente Reda Allali, le leader du groupe, par ailleurs chroniqueur pour l’hebdomadaire marocain Tel Quel.
Quant à Darga, autre formation casablancaise aux accents world, reggae et rap, elle mise, pour son second album, Stop baraka, sur une distribution physique ambitieuse « dans 500 points de vente », explique la manageuse Amel Abou el-Aazm. « C’est la première fois au Maroc qu’un groupe réussi à gérer ça. La culture du disque n’existe pas ici, on essaie d’initier quelque chose. »
Ces deux groupes nés autour du Boulevard, festival casablancais qui fêtera ses 10 ans en juin, sont parmi les ambassadeurs d’un nouveau son marocain qui commence à s’exporter avec des artistes comme H-Kayne, Fnaïre, ou Amarg Fusion, groupe d’Agadir qui joue le 29 mars à Marseille. Avec l’explosion des radios privées, les jeunes groupes tentent de se professionnaliser.
Une vraie révolution musicale, et sociale : il y a cinq ans encore, une quinzaine de musiciens rock étaient emprisonnés pour atteinte à la foi musulmane, sans autre motif que leurs looks vaguement gothiques « Tout a énormément changé », confirme Reda Allali.
« Pour les textes, nous choisissons d’être directs. Aujourd’hui la liberté d’expression existe », note Nabil Skhera, chanteur de Darga. Et tout y passe au fil de textes engagés, enragés : corruption, chômage, illettrisme, société de consommation Darga rend hommage au résistant rifain Abdelkrim Khattabi, frotte son groove à celui des rappeurs meknassis H-Kayne ; Hoba Hoba Spirit dénonce « l’arnaque mondiale » qu’est l’« axe du Mal » et invite la star du chaâbi Abdelaziz Stati.
Enregistrés au studio d’Ali Faraoui, en plein centre de Casablanca, les deux albums bénéficient d’une production soignée. Pour le mastering d’Al Gouddam, Reda Allali et sa bande ont même reçu le concours de Justin Adams, guitariste de Robert Plant et producteur de Tinariwen, qui devrait remettre le couvert pour leur cinquième album Le « Marock » a de beaux jours devant lui.
Al Gouddam de Hoba Hoba Spirit, www.hobahobaspirit2008.com. En concert au Carré BW, Paris 8e, le 11 avril.
Stop Baraka de Darga, www.darga.info
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