Les vérités de Guillaume Soro

Pour la première fois depuis sa nomination, il y a un an, le Premier ministre ivoirien évoque ses ambitions, les élections, les polémiques, ses rapports avec Laurent Gbagbo et les liens qu’il a tissés avec les dirigeants africains qui suivent de près sa t

Publié le 17 mars 2008 Lecture : 15 minutes.

Pour la première fois, l’ancien chef rebelle se lâche sur son avenir. « J’ai hâte d’être au lendemain du scrutin pour pouvoir enfin exprimer mes ambitions pour mon pays », dit-il. On ne saurait être plus clair ! À bientôt 36 ans, Guillaume Soro est un jeune homme impatient.
Certes, l’accord de Ouagadougou de mars 2007 lui interdit d’être candidat à la prochaine présidentielle, mais dans son esprit cette élection va « clore un cycle politique et ouvrir la voie à de nouvelles générations ». Comme si la future compétition électorale entre Gbagbo, Bédié et Ouattara n’était qu’une parenthèse à refermer au plus vite. Après 2008, place aux jeunes !
Pour accélérer l’identification des électeurs, le Premier ministre ivoirien évoque l’éventualité d’un arrêt des audiences foraines le jour où le cap des 500 000 jugements supplétifs sera franchi, c’est-à-dire à la fin de ce mois. Dans ce cas, le futur président élu finirait le travail. En toute logique, Laurent Gbagbo devrait apprécier. Son parti, le FPI (Front populaire ivoirien) affirme depuis six mois que les audiences foraines ne doivent pas délivrer plus de 300 000 documents. En revanche, le RDR (Rassemblement des républicains) d’Alassane Ouattara risque de faire la grimace. En privé, il plaide pour la délivrance d’au moins 1 million de jugements supplétifs. À Séguéla et Odienné, les audiences foraines n’ont débuté que la semaine dernière et peuvent durer légalement trois mois. On imagine la réaction des sans-papiers de ces deux régions nordistes après la proposition de Soro
Y a-t-il un deal ? Soro est-il prêt à aider Gbagbo à gagner cette année en échange d’un renvoi d’ascenseur dans cinq ans ? Évidemment, le Premier ministre nie farouchement. Et il argumente : « Ce serait un calcul aussi précaire qu’aléatoire. » Sous-entendu : « Laurent Gbagbo n’est pas un homme fiable ». Oui, Soro est tenté de faire un bout de chemin avec Gbagbo. Non, il connaît trop bien son aîné pour conclure un vrai pacte avec lui. Soro hésite, tâtonne. Ce qu’il ne dit pas, c’est que, depuis l’attentat du 29 juin dernier à Bouaké, il est « couvé » par le président ivoirien. De bonne source, Laurent Gbagbo aurait même réussi à lui faire croire qu’il était plus en sécurité avec lui qu’avec les Forces nouvelles (FN) !
« Je ne crois pas à un danger des Forces nouvelles », affirme le Premier ministre. Est-ce si sûr ? Il sait que les chefs de guerre sont inquiets. Le retour annoncé des douanes et des régies financières dans les zones qu’ils contrôlent va mettre fin à leur système de prébendes. La reconversion est loin d’être assurée pour tout le monde. Plus on approche de l’échéance, plus le mécontentement grandit au sein des FN.
Dans cet entretien à cur ouvert, Guillaume Soro fait aussi quelques confidences sur ses relations « filiales » ou « affectives » avec Blaise Compaoré, Omar Bongo Ondimba ou Abdoulaye Wade. Tout juste oublie-t-il de dire que la brouille Gbagbo-Wade date du jour de 2002 où le président sénégalais lui a délivré un passeport diplomatique. Apparemment, Guillaume Soro a beaucoup d’amis, mais aussi un ennemi intime. C’est le sergent-chef Ibrahim Coulibaly (dit IB), l’autre chef rebelle. Soro l’accuse d’avoir voulu le tuer. Mais il omet l’essentiel. À savoir les représailles de Korhogo. De sources onusiennes, le 23 juin 2004, soixante-dix partisans d’IB sont morts par suffocation dans un conteneur surchauffé. Il est vrai que cet épisode est à oublier très vite dans la vie d’un homme qui aspire aux plus hautes fonctions.

« J’ai hâte d’être au lendemain du scrutin »

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C’est à plusieurs kilomètres d’altitude, alors que le Grumman G3 de la flotte présidentielle se rend d’Abidjan à Libreville, que le Premier ministre, Guillaume Soro, a choisi de répondre aux questions de Jeune Afrique. « Ici, déclare-t-il d’emblée, nous sommes sûrs de ne pas être dérangés. Nous n’aurions pas pu avoir pareille tranquillité à Abidjan où il faut cumuler la gestion de l’État avec les sollicitations de toutes sortes. Comment expliquer aux gens que je n’ai pas à la primature des caisses d’argent et des stocks de postes à distribuer ? »

Jeune Afrique : Savez-vous ce qu’il s’est passé le 29 juin 2007, quand vous avez échappé à une tentative d’assassinat sur l’aéroport de Bouaké ?
Guillaume Soro : Oui, j’ai quelques pistes, mais je ne dirai rien tant que l’enquête est en cours. Ce 29 juin a été un moment terrible pour moi. Deux roquettes ont percé le cockpit de l’avion et atteint mortellement quatre de mes collaborateurs. Sous mes yeux. J’ai pensé me retirer du processus de paix. Le chef de l’État, Laurent Gbagbo, ainsi que plusieurs de ses homologues m’ont appelé pour m’en dissuader et m’exprimer leur soutien. J’ai donc maintenu mon programme de travail à Bouaké et procédé à l’installation des magistrats chargés de conduire les audiences foraines.

L’identité des assassins vous empêche-t-elle de parler ? Êtes-vous forcé de vous taire ?
Personne ne peut m’astreindre au silence. D’ailleurs, j’ai clairement exposé mes soupçons aux experts des Nations unies. J’attends la mise en place de la commission d’enquête internationale pour pouvoir donner de plus amples informations, malgré le refus de l’ONU d’y prendre part. Pour le reste, posez la question au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Je suis d’autant plus vexé qu’une commission a été diligemment créée au Liban, au lendemain de l’assassinat de l’ex-Premier ministre, Rafic Hariri. L’ONU estime peut-être que la Côte d’Ivoire est un trop petit pays pour qu’on consacre du temps et de l’argent à protéger la vie de son Premier ministre.

Ceux qui en voulaient à votre vie courent toujours. Avez-vous peur ?
La peur n’a pas de sens pour quelqu’un qui dirige un mouvement armé. Chaque jour que je passe en vie est un jour de gagné. Je ne crois pas à un danger émanant des Forces nouvelles (FN). Notre organisation a une particularité : elle ne lutte pas pour le pouvoir, mais pour affirmer une identité. La recherche du pouvoir divise. Alors qu’au sein des FN, nous sommes unis par notre désir commun de faire respecter nos droits sur la terre de nos ancêtres.

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Voilà qui tranche avec les règlements de comptes au sein des FN, qui vous valent de nombreuses condamnations des organisations de défense des droits de l’homme, comme Human Rights Watch ou le Haut-Commissariat de l’ONU
Je regrette la façon sommaire dont ces organismes travaillent. La rébellion ivoirienne n’a jamais coupé de bras, ni violé, ni creusé des charniers. Il est facile pour ceux qui sont les premiers à tirer sur nous de se plaindre de notre riposte. Le 29 juin, si nous avions arrêté cinq minutes avant leur forfait ceux qui ont tiré sur l’avion, les mêmes organismes auraient parlé d’arrestations arbitraires. Aucune de ces organisations n’a cherché à m’entendre. Leurs procédures permettent peut-être de condamner quelqu’un sans écouter sa version des faits.

Les exactions sont intimement liées au sergent-chef Ibrahim Coulibaly (dit IB), qui conteste votre légitimité et estime que vous l’avez dépossédé d’une rébellion qu’il a conçue…
Soit le sergent-chef IB n’est pas suffisamment intelligent pour garder son bébé, soit il ne l’a pas conçu seul. Une question mérite d’être posée. Pourquoi tous les combattants de Bouaké, d’Odienné, de Korhogo ou de Bouna se reconnaissent-ils plus dans le civil que je suis que dans le militaire qu’il est ? Le 19 septembre 2002 [jour de l’attaque des rebelles contre le pouvoir de Laurent Gbagbo, NDLR], j’étais à Abidjan. J’ai pris des risques pour rejoindre Bouaké, mener les hommes, affronter avec eux les balles et les privations IB était introuvable. Voilà peut-être la source de ma légitimité. Il est prétentieux pour un simple sergent-chef, à la formation basique, de revendiquer avoir créé une rébellion.

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Votre autorité sur les FN est-elle si claire ? Des affrontements entre votre camp et celui d’IB, notamment en 2004, ont fait de nombreuses victimes. Vos détracteurs vous accusent d’avoir organisé des purges
Qu’est-ce qu’on appelle des purges dans un contexte de guerre ? Devais-je me laisser tuer ? Savez-vous que j’ai été l’objet de six tentatives d’assassinat ? Sam Bockarie [chef de guerre sierra-léonais, leader du RUF, décédé en 2003, NDLR] a tenté de me tuer au début de 2003 entre Danané et Man. Les 20 et 21 juin 2004, mon cortège a été violemment pris pour cible entre Ouangolo et Korhogo

Des rapports d’organismes spécialisés, à l’instar de Global Witness, accusent les FN d’avoir organisé le pillage des matières premières et d’avoir créé des filières clandestines de trafic de ces ressources dans la sous-région. Que répondez-vous ?
Le diamant de Séguéla a toujours été exploité par la population et par des trafiquants. Bien avant la crise. J’ai dit aux forces impartiales – et je le répète – que je suis prêt à faire surveiller cette mine si elles me le demandent. En ce qui concerne le coton, je reconnais qu’au lendemain du 19 septembre 2002 des brebis galeuses ont profité de notre combat pour se livrer à des actes de pillage. Mais ces personnes ont été neutralisées rapidement. À la demande des producteurs, j’ai pris les mesures pour empêcher les égreneurs de sortir le coton en dehors du territoire ivoirien. Résultat : de 70 % en 2002, le taux d’évasion illégal avait chuté à 2 % un an plus tard. Je suis le protecteur de la filière coton et non son fossoyeur.

Comment expliquez-vous l’enrichissement rapide de certains dirigeants des FN ? Vous êtes-vous personnellement enrichi ? Détenez-vous, comme certains le prétendent, des propriétés dans des pays voisins ?
Je ne détiens qu’une seule propriété, à Ferkessédougou, dans mon village natal. Je suis en train d’y faire construire une résidence, grâce à mes émoluments de ministre d’État [de 2003 à 2007, NDLR] et de Premier ministre.

Mais à Ouagadougou, vous êtes aussi chez vous ?
Oui, j’y suis chez moi. Mais je n’y possède rien. Quand je m’y rends, c’est le président Blaise Compaoré qui prend les dispositions pour que je sois logé.

Comment ont évolué vos rapports avec Laurent Gbagbo et ses proches ?
Ils se sont notoirement améliorés. Nous nous respectons. J’ai rencontré la première dame, Simone Gbagbo, à deux reprises, pour aplanir quelques différends. Je crois que nous nous sommes compris. L’ancien leader des Jeunes Patriotes, Charles Blé Goudé, mon vieux compagnon de la Fesci, avait envoyé des émissaires avant même que je sois nommé Premier ministre pour rétablir le dialogue entre nous.

Avez-vous, comme le prétendent certains de vos adversaires, conclu un deal avec Gbagbo, au terme duquel vous devez l’aider à gagner afin qu’il vous cède le fauteuil présidentiel dans cinq ans ?
Je ne m’attarderai pas sur ces ragots. J’ai été nommé Premier ministre dans le cadre d’un partage du pouvoir entre deux forces belligérantes. Reconnaissez-moi un minimum de bon sens pour ne pas me brûler les ailes avec des calculs sur une transition aussi précaire qu’aléatoire.

On vous appelle aujourd’hui le « fils » de Gbagbo, revenu dans la maison du père après s’être rendu dans celle d’Alassane Dramane Ouattara.
Je ne suis pas un fils bâtard pour me promener de père en père. Je n’ai pas honte de reconnaître que j’ai partagé les convictions et le combat de Gbagbo au début des années 1990. Nous avons subi les mêmes brimades du pouvoir d’Houphouët-Boigny et de Bédié. En 1997, Gbagbo et moi avons rompu. Et nous ne nous sommes revus que le 23 janvier 2003 à Paris, dans le bureau du ministre français des Affaires étrangères.

Si Gbagbo vous avait donné votre part après son arrivée au pouvoir, en octobre 2000, y aurait-il eu une rébellion ?
Qui vous a dit qu’il ne m’a pas proposé ma part ? J’ai refusé de renoncer à mes convictions après son élection. Je ne pouvais décemment pas aller à la soupe dans une Côte d’Ivoire qui s’enfonçait dans la dérive xénophobe, l’exclusion ethnique et la violence politique.

Disputez-vous à Alassane Dramane Ouattara le leadership du Nord ?
Mes rapports avec Alassane Ouattara sont bons. Il fait partie de ceux qui m’ont encouragé à entamer un dialogue direct avec Gbagbo. Pourquoi voulez-vous que nous soyons rivaux ? Je ne suis pas militant de son parti et, pour l’instant, ne suis candidat à rien. Qu’est-ce qui peut bien nous opposer ? Et puis, pourquoi nous confiner tous les deux au Nord ?

Qu’en est-il d’Henri Konan Bédié, avec qui les rapports étaient, par le passé, conflictuels ?
Les contextes et les hommes évoluent. Bédié a pu se réconcilier avec Ouattara, alors qu’ils étaient des ennemis jurés. A fortiori, il peut se réconcilier avec moi.

Voici un an que vous avez été nommé Premier ministre. L’opposition, ainsi que l’aile dure du camp présidentiel qui ne vous est pas favorable, estiment que vous ne pouvez revendiquer qu’un maigre bilan
Le gouvernement que je dirige a une particularité : il est composé de représentants des six plus grandes forces politiques du pays. Prétendre que cette équipe a échoué revient à dire que l’ensemble de la classe politique ivoirienne a échoué. Ce n’est heureusement pas le cas. Les audiences foraines ont eu lieu sur l’ensemble du territoire. À ce jour, 380 000 personnes sont dotées de leur jugement supplétif. Un opérateur technique, Sagem Sécurité, a été désigné. Il doit procéder à l’identification et à l’inscription de la population sur les listes électorales. Les élections sont plus que jamais une perspective crédible en Côte d’Ivoire. D’autre part, les deux forces ex-belligérantes ont défilé ensemble sur l’ensemble du territoire, le 7 août, à l’occasion de la fête nationale. Le chef de l’État a effectué sa première visite au Nord. Ce qui était inimaginable il y a quelques mois est devenu banal depuis le démantèlement, le 16 avril, de la « zone de confiance » qui divisait le pays en deux. Les signes de la normalisation se multiplient.

N’êtes-vous pas déçu par le faible nombre de jugements supplétifs délivrés par les audiences foraines ?
Ce sont ceux qui ont fait les estimations au départ qui doivent les revoir à la baisse. Ces audiences foraines exceptionnelles, qui durent depuis trois mois, auront, à leur terme, délivré environ 500 000 jugements supplétifs. Un demi-million de citoyens vont sortir de l’anonymat administratif. La classe politique doit maintenant trancher le dilemme suivant. Faut-il, au risque de retarder les élections, prolonger les audiences foraines pour toucher davantage de monde ? Ou doit-on s’arrêter là, laissant le soin au futur président élu d’ouvrir de nouvelles audiences foraines exceptionnelles pour régulariser les citoyens qui seront restés sans papiers ?

Sagem Sécurité est confronté à des contraintes financières, techniques et politiques pour procéder à l’identification. On sait que l’entreprise est incapable de mener l’opération dans le délai imparti pour organiser les élections Allez-vous accorder de les crédits nécessaires ?
Nous sommes en négociation avec les responsables de l’entreprise pour régler les problèmes financiers. Les bailleurs de fonds hésitent à nous accompagner. Mais c’est une question de dignité nationale et de souveraineté. Je peux vous assurer que la Côte d’Ivoire financera l’identification de sa population et l’organisation des élections. Quant aux contraintes politiques, Sagem n’est pas venu en Côte d’Ivoire pour faire de la politique. Nous l’avons choisi parce qu’il est à la hauteur du défi technique. Il ne reste plus qu’à mettre en place l’instrument.

Pensez-vous qu’il faut reporter les élections ?
S’il y a quelqu’un qui veut que les élections se tiennent au plus vite, c’est bien moi. L’accord de Ouagadougou m’interdisant d’être candidat, j’ai hâte d’être au lendemain du scrutin pour pouvoir enfin exprimer mes ambitions pour mon pays. Si le futur président élu souhaite associer les Forces nouvelles à la gestion du pays, nous aviserons. Sinon, nous aurons tout un champ politique à investir. Je suis souvent mal à l’aise dans les habits de Premier ministre dans un contexte pareil. Vivement les élections qui vont clore un cycle politique et ouvrir la voie à de nouvelles générations !

Les proches du chef de l’État exigent « le désarmement avant les élections ». Et vous accusent de retarder sciemment la démobilisation de vos troupes
Depuis le 22 décembre, nos éléments qui étaient au front à Tiébissou et ceux des Fanci à Yamoussoukro ont été regroupés dans des casernes à Bouaké. Le processus DDR [désarmement-démobilisation-réinsertion, NDLR] est donc en marche. Mais le véritable désarmement, c’est celui des esprits. Le chef de l’État a effectué une tournée dans le Nord sans qu’il y ait eu un seul coup de feu. Au Kenya, il n’y avait pas d’armes, mais il y a eu 1 500 morts Ceux qui soupçonnent les FN de mauvaise foi dans la mise en uvre du DDR ignorent que l’État, qui a mobilisé tous ses moyens pour payer 118 milliards de F CFA d’arriérés à la Banque mondiale, éprouve les pires difficultés pour payer à chaque combattant démobilisé les 90 000 F CFA promis. Ça ne nous empêche pas de continuer le regroupement des FAFN (Forces armées des Forces nouvelles).

Qu’en est-il de la conservation ?des grades que les rebelles ont acquis au sein des FAFN et qu’ils entendent garder dans l’armée nationale ?
Laurent Gbagbo et moi avons décidé de différer le traitement de cette question difficile pour avancer sur les autres chapitres moins compliqués de l’accord de paix. Le facilitateur, Blaise Compaoré, réfléchit de son côté et va nous soumettre ses propositions.

Que pensez-vous de Compaoré ?
C’est un patriote africain, qui a une véritable vision de l’avenir. Il abrite chez lui les opposants brimés dans leur pays. Sur la route de l’exil, en 1982, Laurent Gbagbo est passé par le Burkina avant de regagner la France. À force de fréquenter le président Compaoré, j’éprouve une réelle affection pour lui. Je partage beaucoup de ses points de vue.

Vous êtes également très proche ?du président gabonais, Omar ?Bongo Ondimba. Comment est-ce possible ?
Il faut approcher Omar Bongo Ondimba pour saisir toute sa dimension. Il pouvait être proche de Félix Houphouët-Boigny, mais recevoir et aider Gbagbo. Il n’a rien à voir avec la caricature que les journaux occidentaux font de lui. Depuis que je l’ai rencontré pour la première fois à Kléber, en janvier 2003, il s’est pris d’affection pour moi et me traite comme son propre fils. Je me réjouis de cette relation, qui a beaucoup compté dans le succès diplomatique des FN. Il est vrai que nous avons eu cette chance d’avoir suscité la sympathie de certains chefs d’État africains.

Omar Bongo Ondimba, Abdoulaye Wade, Blaise Compaoré, en effet. Mais tous ceux-là ont en commun d’avoir été, à un moment ou à un autre, en froid avec Gbagbo
Je rends justice à Wade, qui a été le premier chef d’État à m’avoir appelé après le début de la rébellion. Il m’a d’abord incité à ranger les armes et à dialoguer. Il m’a reçu à Dakar avec ma délégation, alors que nous étions en route pour la table ronde de Marcoussis. C’est peut-être ce geste qui a braqué contre lui Laurent Gbagbo.

Avez-vous parlé au président français, Nicolas Sarkozy, depuis son élection en mai 2007 ?
Non. J’ai rencontré ses ministres de la Défense, Hervé Morin, et des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, ainsi que le conseiller de l’Élysée pour l’Afrique, Bruno Joubert.

Vous sentez-vous mieux compris aujourd’hui à Paris qu’au temps de Jacques Chirac ?
Je ne suis pas en quête de reconnaissance. En tant que Premier ministre, je traite d’État à État avec la France. Et uvre pour que nos rapports soient plus adultes.

Les FN vont-elles se muer en parti politique ?
D’un mouvement armé, les FN sont en train de se muer en une force responsable, crédible et apte à gérer les affaires de l’État. Pour l’heure, nous n’avons pas encore abordé la question de leur avenir. Il faut attendre le lendemain de l’élection présidentielle pour en parler.

Allez-vous engager des discussions avec l’un des candidats ? Et le soutenir pour l’élection présidentielle ?
Je suis leader des FN, Premier ministre et arbitre du processus électoral. Dans un souci de neutralité, mon mouvement ne soutiendra aucun candidat. Ses membres, pris individuellement, en revanche, feront ce qu’ils veulent.

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