Maroc Télécom-Etisalat : un deal gagnant-gagnant
Racheté par Etisalat, Maroc Télécom récupère les six filiales en Afrique francophone de son nouvel actionnaire majoritaire et, à la clé, 10 millions d’abonnés. À charge pour lui de doper l’activité de ces opérateurs.
Vendu mais heureux. Maroc Telecom a annoncé le 5 mai l’acquisition de six filiales de son nouvel actionnaire majoritaire, l’opérateur émirati Etisalat, pour près de 470 millions d’euros. « Cette opération représente un tournant et une accélération dans le développement de Maroc Télécom à l’international », s’est immédiatement félicité Abdeslam Ahizoune, le président du directoire.
Vue de Rabat, cette prise de contrôle ressemble à une victoire, l’opérateur historique devenant la tête de pont d’Etisalat en Afrique francophone. « L’intérêt de ces acquisitions est de réduire l’exposition de Maroc Télécom au marché marocain, où la concurrence est forte. En intégrant les nouvelles implantations, le revenu des filiales subsahariennes représentera 44 % du chiffre d’affaires global du groupe, contre 27,2 % actuellement », explique Mehdi Ammouri, analyste financier chez CFG Group. Ces dernières années, l’opérateur avait déjà tenté d’étendre sa présence sur le continent en entamant des négociations avec Millicom (connu sous la marque Tigo) et avec le malgache Telma, révèle un financier marocain. Il s’était également porté candidat à la troisième licence mobile au Cameroun, mais avait été coiffé au poteau par Viettel.
Maroc Telecom devient le groupe le plus africain du royaume chérifien : avec cette acquisition, il réalisera 44% de son chiffre d’affaires au sud du Sahara.
Proximité
Maroc Télécom, qui a déjà des filiales au Gabon (Gabon Télécom), au Mali (Sotelma), en Mauritanie (Mauritel) et au Burkina Faso (Onatel), prendra grâce à cet accord le contrôle de Moov en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Togo, au Niger, en Centrafrique et au Gabon.
Seul Libreville pourrait émettre des réserves et demander que l’une des deux sociétés contrôlées par l’opérateur chérifien soit cédée pour éviter que le groupe ne possède deux des quatre licences de ce petit marché.
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Pour Etisalat aussi, l’opération semble avantageuse. L’émirati n’a jamais su tirer la pleine mesure de ses implantations en les pilotant depuis Abou Dhabi. À l’opposé, Maroc Télécom a montré par le passé une certaine expertise dans le redressement d’opérateurs en difficulté, comme Gabon Télécom.
Aujourd’hui, l’ensemble des filiales subsahariennes du groupe marocain affiche un taux de marge Ebitda (mesure de la rentabilité) de 50 %, qui, année après année, se rapproche de la performance de la maison mère (57,8 %).
Cette dernière bénéficie « d’une plus grande proximité culturelle et géographique [avec les opérateurs subsahariens] que le groupe émirati. Cela devrait faciliter le management des équipes locales », confirme Mehdi Ammouri.
La reprise en main s’accompagnera bien sûr de l’envoi de cadres marocains dans chaque pays et vraisemblablement du départ de quelques managers actuellement en poste. « Le modèle qui a fait ses preuves dans nos quatre premières filiales, à base de rigueur, d’innovation, d’investissements massifs dans les infrastructures et d’appui sur les compétences locales, va être dupliqué », indique à ce sujet Abdeslam Ahizoune.
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Dividendes
Mais que valent vraiment les filiales qu’Etisalat vient de céder ? « Émettre une opinion sur le montant déboursé est pour le moment impossible car les détails de l’accord, qui inclut le rachat de prêts d’actionnaires, n’ont pas été communiqués. Il est néanmoins probable que, dès qu’ils seront connus, le cours du titre Maroc Télécom [actuellement aux environs de 101 dirhams, soit 9 euros] grimpera, car avec ces acquisitions le groupe présente un potentiel de croissance plus important », explique Mehdi Ammouri.
D’après les documents que Jeune Afrique a consultés, la marge Ebitda consolidée des filiales Moov était supérieure à 30 % en 2012. L’an dernier, elle aurait fortement chuté (d’environ 7 points) du fait des investissements réalisés pour améliorer les réseaux (au Bénin et en Côte d’Ivoire notamment) et acquérir une licence universelle au Bénin. Il y aurait par ailleurs de fortes disparités entre les pays (voir tableau). En queue de peloton, on trouve sans surprise la Centrafrique, devancée par le Gabon et par le Niger, où d’importants investissements seront nécessaires pour améliorer et étendre le réseau. Moov perdrait encore de l’argent sur ces trois marchés. Toutefois, grâce au Bénin, à la Cote d’Ivoire et au Togo, le résultat net de l’ensemble des filiales en 2012 est positif, s’établissant à environ 21 millions d’euros.
« Cette situation ne nous inquiète pas particulièrement. D’ici trois à cinq ans, les équipes de Maroc Télécom devraient être capables de doubler le taux de marge Ebitda de ces sociétés pour atteindre 40 % », indique Mehdi Ammouri.
Expansion
La volonté du groupe chérifien de poursuivre son expansion semble donner raison à l’analyste. L’entreprise est actuellement en lice pour acheter l’opérateur historique tchadien Sotel. « Il lui reste une marge d’endettement importante – environ 7 milliards de dirhams », juge Ammouri. Pour faciliter son expansion et les investissements nécessaires au décollage de ses nouvelles filiales, Maroc Télécom pourrait aussi revoir à la baisse ses dividendes. Mais Etisalat, après avoir déboursé 4,2 milliards d’euros pour prendre le contrôle du groupe, peut-il accepter d’être moins bien traité que Vivendi ?
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