Afren, nouvel opérateur ivoirien

Les succès enregistrés en trois ans par cette petite société pétrolière démontrent la vitalité du marché africain pour les « minimajors ».

Publié le 17 mars 2008 Lecture : 4 minutes.

Afren passe à l’offensive. La petite compagnie pétrolière née à Londres fin 2004 est devenue productrice de pétrole et de gaz en Côte d’Ivoire le 6 mars. À cette date, elle a repris, pour 205 millions de dollars, les parts du groupe américain Devon Energy Corp. dans deux blocs pétroliers ivoiriens, dont le numéro 11, où se trouvent les champs Lion et Panthère, qui produisent 3 000 barils par jour (b/j) de brut et 5 000 équivalent b/j de gaz, ensuite traités dans une unité de liquéfaction dont Afren devient propriétaire à 100 %. En une seule opération, la société augmente de 67 % ses réserves prouvées en Afrique, qui passent à 70 millions de barils (dont 16,7 millions sur l’autre bloc ivoirien, CI-01, encore inexploité). Et elle entre en phase de production d’hydrocarbures avec plusieurs semaines d’avance sur son planning initial, qui prévoyait l’entrée en exploitation, à la fin du premier semestre 2008, du champ d’Okoro Setu, au Nigeria, à hauteur de 20 000 b/j.
Créée en décembre 2004 par le Dr Rilwanu Lukman, aujourd’hui conseiller du président nigérian Umaru Yar’Adua, après avoir été ministre du Pétrole et secrétaire général de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), Afren est désormais présente sur dix-sept gisements dans six pays africains et compte une quarantaine d’employés. Outre le Nigeria et la Côte d’Ivoire, elle est au Ghana, au Gabon, au Congo-Brazzaville, en Angola mais aussi sur la Joint Development Zone (JDZ), cogérée par le Nigeria et São Tomé. Elle affiche l’ambition d’être « la première société pétrolière indépendante 100 % africaine », selon son directeur exécutif, Osman Shahenshah. Cofondateur de la société, il est un spécialiste des montages financiers dans le pétrole, qu’il a pratiqués pendant près de vingt ans pour le compte de Credit Suisse First Boston et de la Société financière internationale (SFI), filiale d’investissement de la Banque mondiale pour le secteur privé.

Actions en hausse de 200 %
Forte des réseaux d’influence de ses fondateurs, la petite société pétrolière a rapidement séduit des investisseurs en capital, comme BNP Paribas ou le sud-africain Standard Bank à hauteur de 15 millions de dollars chacun. Le groupe bancaire français lui a également accordé un prêt de 200 millions de dollars pour financer l’implantation en Côte d’Ivoire. Introduite en mars 2005 sur l’Alternative Investment Market (AIM) de Londres, un marché destiné aux PME, la société affiche aujourd’hui une capitalisation boursière de près de 600 millions de dollars. En moins de quatre ans, le cours de l’action a augmenté de plus de 200 % !
L’entrée en Côte d’Ivoire porte à 500 millions de dollars le total des investissements réalisés par Afren sur le continent. Outre ses dix-sept gisements, la société cherche à développer des opérations structurantes. Elle a par exemple misé 1 million de dollars dans la création d’un institut de formation aux métiers du pétrole en Afrique, l’African Energy Institute, en partenariat avec les Nations unies et le Centre de recherche entreprises et sociétés (Cres) de Genève. Basé dans une ville africaine qui n’est pas encore choisie, il devrait apporter un début de solution à la pénurie de techniciens et d’ingénieurs locaux à laquelle le secteur pétrolier est régulièrement confronté. Depuis janvier, Afren est également engagée dans un projet de coopération avec la société gazière allemande E.ON Ruhrgas – l’une des plus importantes d’Europe -, pour l’exploitation de gaz naturel liquéfié (GNL) dans le Sud-Est nigérian.

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Partage des tâches
Afren est la dernière-née des petites entreprises pétrolières à s’intéresser à l’Afrique, où elle évolue aux côtés des Maurel & Prom, Tullow Oil, Premier Oil, Addax Petroleum ou encore Perenco – pour ne citer qu’elles. Surnommées « minimajors », par opposition aux majors plus anciennes et plus puissantes, elles misent toutes sur la flambée des cours du baril, la volonté des gouvernements de multiplier leurs partenaires et l’intensification des recherches dans de nombreux pays africains pour s’implanter sur le continent. « Il n’existe pas de concurrence frontale avec les majors, remarque Charles-Alain Obanga, directeur de l’Agence de régulation de l’aval pétrolier (Arap), au Congo-Brazzaville. L’heure est plutôt au partage des tâches, voire à la complémentarité, d’autant plus facile à gérer que les minimajors interviennent rarement dans l’aval pétrolier [raffinage, ndlr]. »
Les minimajors se spécialisent en effet dans la relance de gisements que leurs grandes surs ont abandonnés, ou dans l’exploration et la production de pétrole sur des champs marginaux ou encore vierges, comme en Guinée-Bissau, en RD Congo, en Tanzanie, en Namibie ou au Mozambique. « À 20 dollars le baril, de tels gisements n’auraient jamais été rentables. À plus de 100 dollars, certains peuvent rapporter le gros lot, décrypte Mahamadou Sako, directeur Afrique et associé du cabinet Deloitte. D’autant plus que les droits de licence sont moins élevés dans les régions encore peu explorées. » La plupart des experts prédisant que le baril atteindra un jour 300 dollars, l’Afrique va donc continuer d’intéresser les pétroliers. Grands comme petits.

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