Loin des clichés

Publié le 18 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

Chasseur d’images le jour, réceptionniste la nuit. Sous les sourcils broussailleux, le regard ne trahit pas ses nuits sans sommeil. Youssef Amchar, 28 ans, confie dans le phrasé nonchalant de ceux qui vivent loin du stress des grandes villes qu’il n’avait jamais songé devenir photographe. « C’est un pur hasard. » Il a commencé par la sculpture du bois de thuya, arbre qui pousse en abondance dans la région d’Essaouira, ville où il a toujours vécu. D’ailleurs, il a grandi à Villa Maroc, qui, à l’époque, n’était pas encore le riad le plus couru de Mogador, mais une maison de la médina parmi tant d’autres.
Après le collège, il suit une formation en ébénisterie et s’installe dans un petit atelier. Mais un asthme chronique vient rapidement contrarier cette première vocation. Youssef se tourne alors vers la peinture abstraite. Ses toiles, il ne les vend pas, sauf quand il n’a plus un sou. Il préfère les offrir à ses amis de passage. Car « vendre mes tableaux reviendrait à vendre mes états d’âme ». « La peinture, c’est ma façon d’exploser, explique-t-il. Lorsque je sors mes pinceaux, c’est que je vais très bien ou très mal. »
Comment s’est-il pris de passion pour la photo ? « Grâce à des amis français, qui m’ont prêté un appareil. » Depuis, impossible de le croiser sans ses Minolta et autres Nikon. Ses thèmes favoris ? Les portraits des habitants d’Essaouira, avec une prédilection pour les visages labourés de rides. Mais aussi les objets anciens, les vieilles portes et leurs poignées. Résultat : des oeuvres à mi-chemin entre la peinture et la photographie. On ne s’étonnera pas que l’un de ses terrains de chasse favoris soit la Joutia Souirie, sorte de marché aux puces où se retrouvent chaque jour à 16 h 30 les anciens de la ville. Pas précisément le genre d’adresse que l’on trouve dans les guides de voyage…
La meilleure chose qui soit arrivée à Youssef ? La rencontre avec l’équipe des Racines et des ailes qui lui a consacré une émission, sur France 3. Depuis, sa vie a changé. Il a pu enfin monter l’exposition dont il rêvait. Et reçoit des propositions et de nombreuses lettres d’encouragements. Mais pas question pour ce Souiri convaincu de quitter son port d’attache. « Je suis bien dans ma ville. » Si 89 % des jeunes Marocains rêvent d’autres horizons, Youssef n’en fait pas partie.

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