Volte-face de Khaled Nezzar

Dans une interview à un hebdomadaire marocain, le général algérien à la retraite se dit favorable à une formule permettant d’intégrer les Sahraouis au royaume chérifien.

Publié le 18 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

Avec une candidature déclarée, celle de l’islamiste Abdallah Djaballah, et une autre annoncée à demi-mots, celle d’Abdelaziz Bouteflika, la bataille pour la présidentielle d’avril 2004 était amorcée. Et voilà que, dans une interview à l’hebdomadaire La Gazette du Maroc, parue dans l’édition du 10 mars, le général algérien à la retraite, Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense et principal artisan de l’interruption du processus électoral en janvier 1992, invite le Sahara occidental dans une campagne qui ne dit pas encore son nom.
L’ex-patron de l’armée algérienne a ni plus ni moins renié tous ses engagements passés en faveur de la tenue d’un référendum d’autodétermination au Sahara occidental, territoire que se disputent le Maroc et les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l’Algérie. Selon lui, « l’Algérie n’a pas besoin d’un nouvel État voisin. […] La meilleure solution serait d’aller vers la thèse du ni perdant, ni gagnant. Il faut trouver la formule adéquate permettant d’intégrer les Sahraouis [au Maroc, NDLR] […] dans le cadre d’une entente. »
Cela ressemble à s’y méprendre à l’accord-cadre présenté par James Baker, ancien secrétaire d’État américain et représentant spécial de Kofi Annan au Sahara, et rejeté par le Polisario et l’Algérie. Hasard du calendrier ? Outre la question irakienne, qui retient l’attention de tous les observateurs, l’affaire du Sahara occidental figure également à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, et c’est le moment choisi par le général Nezzar pour jeter ce pavé dans la mare.
Il va sans dire que ces déclarations ont été fort bien accueillies du côté du palais royal, à Rabat, et n’eût été la réserve diplomatique qui s’impose en pareil cas, on y aurait dignement fêté l’événement. La nouvelle a été reprise par l’agence de presse marocaine MAP et abondamment commentée par la radio franco-marocaine Médi 1. Sur le fond, jamais la position marocaine n’avait connu un tel soutien en Algérie, et surtout à ce niveau de représentation. Quant à l’auteur de l’interview, connaissant la réputation de son interlocuteur habitué à démentir les déclarations qu’on lui prête (quelques jours auparavant, notre confrère du Figaro, Thierry Oberlé, a vécu pareille mésaventure quand Nezzar a nié avoir tenu des propos recueillis par le journaliste lors d’un dîner à Paris), il a utilisé un dictaphone et a conservé l’enregistrement. Bien lui en a pris. Nezzar rapporte des anecdotes et tient un discours plus qu’élogieux à l’égard de feu Hassan II. Autant de « trous » dans les Mémoires qu’il a publiés en 1999.
Le général a eu beau préciser à plusieurs reprises qu’il ne parlait pas au nom de l’armée algérienne, les Marocains sont convaincus qu’il a exprimé le point de vue d’une partie de l’état-major, et qu’Alger serait prête à se montrer plus flexible sur un dossier qui empoisonne depuis plus d’un quart de siècle les relations entre les deux pays. Nezzar n’a-t-il pas obtenu la bénédiction du chef d’état-major, le général Mohamed Lamari, lorsqu’il a intenté une action devant le tribunal de grande instance de Paris contre l’auteur et l’éditeur de La Sale Guerre, un livre qui accuse les généraux algériens d’être derrière les massacres de villageois ? Une bénédiction qui lui confère quelque légitimité.
À Alger, c’est le silence radio. Du moins côté officiel. Le président est occupé à recevoir son homologue nigérian, Olusegun Obasanjo. Quant à l’armée, elle ratisse les maquis de l’Ouarsenis, assiégeant Slim l’Afghan, chef d’une phalange salafiste particulièrement sanguinaire.
Une partie de la presse indépendante s’interroge et une autre s’insurge, mais le coup est déjà parti. Au lendemain de la sortie médiatique de Nezzar, la présidence de la République a rendu public le contenu d’un message d’Abdelaziz Bouteflika à Jacques Chirac, dans lequel le chef de l’État réaffirme l’attachement de l’Algérie au plan de paix de l’ONU et aux accords de Houston qui prévoient l’organisation d’un référendum. De même, le communiqué qui a sanctionné les discussions entre Bouteflika et Obasanjo contient tout un chapitre consacré au règlement « du problème de décolonisation au Sahara occidental ». Manière de répondre à Nezzar ? Peut-être, mais la question n’est déjà plus là. Le Maroc, le Polisario et le Maghreb arabe sont désormais des sujets durables dans les joutes préélectorales algériennes.

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