Profession Commissaire

En juillet prochain, à Maputo, l’organisation devrait se doter d’une nouvelle structure dirigeante. Voici comment, selon toute probabilité, seront choisis les membres de la Commission.

Publié le 18 mars 2003 Lecture : 6 minutes.

Le processus de transformation des instances panafricaines, entamé en juillet 2002 en Afrique du Sud, à Durban, devrait s’achever le 10 juillet prochain dans la capitale mozambicaine, Maputo. Ce jour-là, la Conférence des chefs d’État élira le président de la Commission de l’Union africaine (UA) et son vice-président. À l’issue de ce vote à bulletin secret et à la majorité des deux tiers, les ministres africains des Affaires étrangères se réuniront dans une salle annexe pour choisir les huit commissaires qui occuperont chacun un des huit postes arrêtés par l’article 12 des statuts de la Commission.
Cette Commission est l’une des principales innovations de la mue de l’OUA en UA. Elle est censée remplacer l’ancien secrétariat général, structure exécutive composée d’un secrétaire général assisté de quatre adjoints. Après la cérémonie solennelle de lancement de l’UA, le 8 juillet 2002 à Durban, le sommet avait décidé de reconduire Amara Essy, secrétaire général sortant de l’OUA, en tant que président intérimaire de la Commission. Ses adjoints furent nommés commissaires intérimaires. Leur mission ? Arrêter une procédure pour l’élection des membres de la Commission. En moins de six mois, Amara Essy et son équipe ont sollicité des experts, se sont inspirés des structures similaires telles que l’Union européenne.
Ils ont également tenu compte des suggestions de certains États membres, dont le Sénégal qui a préconisé une parité parfaite entre les deux sexes dans la composante de l’instance exécutive. Proposition retenue. En revanche, celle de la Libye a eu moins de chance. Le colonel Mouammar Kadhafi aurait voulu que seuls le président et son vice-président soient élus. Ce serait au premier de choisir son équipe et de la soumettre aux chefs d’État pour qu’ils l’avalisent. Ce mode de désignation a été rejeté par la quasi-totalité des délégations. Il pourrait constituer une entrave au principe d’équilibre dans la représentation régionale et conférerait au président élu des pouvoirs accrus au détriment des autres structures : la Conférence des chefs d’État et le Conseil exécutif, composé des 53 chefs de la diplomatie africains.
Selon le travail préparatoire de l’équipe d’Amara Essy, l’élection des dix membres de la Commission prendra en compte trois critères. Le premier est lié au sacro-saint principe de la répartition régionale. L’UA étant composée de cinq ensembles régionaux, chaque région sera représentée par deux membres. Autrement dit, la région dont est issu le président ou le vice-président n’aura droit qu’à un seul commissaire. Deux autres facteurs ont été retenus dans le cadre de la répartition régionale. Le président et son adjoint ne peuvent être originaires de la même région, d’une part, et, d’autre part, un seul pays ne peut fournir deux commissaires.
Le deuxième critère tourne autour de la parité. Chacune des cinq régions sera représentée par, au moins, une femme. La Commission sera donc composée de cinq hommes et cinq femmes, âgés de 35 ans au minimum. Le troisième critère est lié au cursus des futurs membres de la Commission. Les candidats disposeront d’au moins une licence ou un titre équivalent décerné par une université reconnue. Une bonne expérience dans la fonction publique, dans la vie parlementaire ou dans les organisations internationales est requise.
Selon le règlement intérieur de la Conférence et du Conseil exécutif, la liste des candidatures doit parvenir aux États membres trois mois avant le déroulement du scrutin, c’est-à-dire avant le 7 avril prochain. Le document préparé par l’équipe d’Amara Essy a établi un calendrier précis pour respecter ce délai. Mais l’échéancier a été revu pour tenir compte du retard pris par l’Afrique du Nord. Conséquence : le Conseil des ministres réuni à N’Djamena, le 5 mars, a décidé de reporter l’établissement de la liste définitive des candidats au 30 mars, au lieu du 15 mars, initialement prévu.
S’agissant de l’élection du président, il semble qu’il n’y ait, à l’heure actuelle, aucune candidature officielle. Toutefois, aucun suspens ne plane. L’ancien président de la République du Mali, Alpha Oumar Konaré, aurait reçu le soutien des grandes capitales africaines (voir p. 50). Selon une règle non écrite, le poste reviendrait à l’Afrique de l’Ouest francophone, le mandat de l’Ivoirien Amara Essy ayant été tronqué. Pour la vice-présidence, deux régions sont en concurrence : l’Afrique du Nord et l’Afrique australe, aucune n’ayant jamais occupé un poste à ce niveau de représentation dans les institutions africaines. Des tractations seraient toujours en cours. Pour satisfaire aux considérations régionales et à la parité, le nom de la ministre sud-africaine Dlamini Zuma a été avancé pour la vice-présidence, mais celle-ci a démenti à N’Djamena : « Mon travail à la tête de la diplomatie de mon pays est passionnant. » Même si elle ne semble pas décidée à disputer le poste à l’Afrique australe, l’Afrique du Nord n’a pas encore dit son dernier mot. C’est sans doute ce qui explique le réaménagement de l’échéancier, toutes les autres régions ayant transmis leur liste définitive de postulants aux postes de commissaires.
S’agissant de ces derniers, la procédure stipule que chacune des cinq régions soumet une liste de seize candidats.
L’ensemble ouest-africain ayant la quasi-certitude de décrocher la présidence de la Commission, il a décidé de ne concourir que pour quatre postes en présentant deux candidatures. Prenant en considération les critères linguistiques et de parité, l’Afrique de l’Ouest ne propose que deux postulantes anglophones, parmi lesquelles Aichat Ismaïl, ministre de la Condition féminine et de la Jeunesse dans le gouvernement d’Olusegun Obasanjo. Aichat Ismaïl vise le poste de commissaire aux Affaires politiques.
Hormis l’Afrique du Nord, les autres régions ont scrupuleusement suivi les recommandations de l’équipe d’Amara Essy. Elles ont, chacune, proposé seize candidats (parité parfaite), à charge pour le Comité de sélection, composé de dix ministres des Affaires étrangères (deux par région), assisté d’un ensemble de consultants, de retenir au moins deux postulants, dont une femme, pour chacun des huit portefeuilles.
Le poste le plus couru est, sans conteste, celui de commissaire aux Affaires politiques. Il est convoité par quelques gros calibres de la diplomatie africaine. Outre la Nigériane Aichat Ismaïl, on relève la présence dans la course d’Ousmane Sayed, ambassadeur du Soudan en Éthiopie et ancien patron du Djihaz, les services secrets soudanais. Patrick Mazimhaka, conseiller spécial du président rwandais pour la question des Grands Lacs, postule au commissariat Paix et Sécurité. Le commissaire intérimaire actuel, l’Algérien Saïd Djinnit, serait également intéressé. Il serait le seul, parmi l’équipe sortante, à briguer un mandat. Amara Essy, que l’on disait tenté de se lancer dans la course, aurait changé d’avis. La crise ivoirienne – c’est au gouvernement de son pays qu’il appartient de présenter sa candidature, et Laurent Gbagbo a pour le moment d’autres chats à fouetter -, mais surtout la candidature d’Alpha Oumar Konaré, ouest-africain comme lui, ont fini par le convaincre de ne pas prendre part à la compétition. Le Mauricien Vijay Makan, qui achève en 2003 son deuxième mandat à la tête des affaires économiques, est, lui aussi, peu enclin à se représenter. D’autant que, pour ce poste de commissaire, l’Afrique de l’Est, sa région d’origine, a misé sur la Rwandaise Édith Gasana, directrice générale de la Banque rwandaise de développement (BRD).
L’UA, qui, le 3 février, avait inauguré en grande pompe son nouveau siège à Addis-Abeba, se prépare à recevoir dès le mois de septembre, date du début effectif des mandats de l’instance panafricaine, de nouvelles têtes. En attendant, et bien que dans la plus grande discrétion, la campagne fait rage.

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