Outrage à drapeau…

Publié le 18 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

Un nouveau délit a été instauré par l’Assemblée nationale française : il s’appelle actuellement « outrage à l’hymne national ou au drapeau ».
Le recours au terme d’« outrage » devrait signifier que seule une « offense grave » peut être sanctionnée. Mais le flou du vocabulaire parlementaire laisse à penser que toute sorte d’atteinte au drapeau ou à la Marseillaise tombe sous le coup de ce nouvel article du code pénal.
L’approximation de la jurisprudence quand elle est saisie des notions d’outrage et/ou d’offense laisse d’ailleurs à penser que l’on cherche juste à varier le vocabulaire des articles du code pénal.
Il n’y a en effet plus d’« outrage aux bonnes moeurs » (qui a été remplacé par « message à caractère pornographique »). Mais il existe encore un « outrage envers les dépositaires de l’autorité et de la force publique ». Quant aux « offenses », elles sont notamment réprimées quand elles visent les chefs d’État.
Cela signifie concrètement que ne sont pas seulement attaquables les sifflets de la foule footballistique, mais aussi tous les écrits, et en particulier les livres, quelle que soit la gravité de la marque d’irrespect.
Il faut surtout relever que – en faisant abstraction du débat de fond sur la pertinence et l’efficacité de cette future loi -, un nouveau texte restrictif de la liberté d’expression vient d’être ajouté à un dispositif législatif et réglementaire déjà bien encombré.
La loi du 18 août 1936 concerne en effet la « provocation à des actes portant atteinte au crédit de la nation ». Dans la même lignée, la diffamation ou l’injure sont expressément sanctionnées quand elles visent les « armées de terre, ou de l’air », etc. Le plus délicieux des textes en vigueur reste l’article 25 de la loi de 1881, qui fustige les provocations visant les militaires « dans le but de les détourner de leurs devoirs militaires et de l’obéissance qu’ils doivent à leurs chefs dans tout ce qu’ils leur commandent pour l’exécution des lois et règlements militaires ».
En cas de conflit, le contrôle des citoyens ainsi que des éditeurs qui se feraient le relais des opinions les plus critiques peut aisément se durcir. Le droit français prévoit toujours des périodes dites « particulières », décidées officiellement par les plus hautes instances de l’État, telles que la guerre, l’état de siège, l’état d’urgence. Par surcroît, l’article 16 de la Constitution permet d’accorder les pleins pouvoirs au président de la République et d’exercer une censure quasi absolue.
Par ailleurs, hymnes et drapeaux sont déjà l’objet d’un régime juridique particulier. L’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que certaines oeuvres, « sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source », ne nécessitent pas d’autorisation. Il en est ainsi des discours diffusés à titre d’information d’actualité, des textes légaux, etc. Il est aussi communément admis que les droits sur les hymnes nationaux sont abandonnés par leurs auteurs.

Me Emmanuel Pierrat,
Avocat au barreau de Paris

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