ONU : le moment de vérité

Publié le 18 mars 2003 Lecture : 4 minutes.

La Charte des Nations unies est catégorique. « Afin d’assurer l’action rapide et efficace de l’organisation », elle confère au Conseil de sécurité « la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales ». Cette responsabilité a rarement pesé plus lourd sur les membres du Conseil qu’en cette semaine du 10 mars. Dans un jour ou deux, ils devront faire un choix capital.
Le contexte de ce choix ne se limite en aucune manière à l’Irak : il s’agit de la menace que représentent, pour l’ensemble de l’humanité, les armes de destruction massive. La communauté internationale tout entière doit agir d’un commun accord pour arrêter la prolifération de ces armes terribles, quoi qu’il arrive. Mais l’aspect immédiat et le plus urgent de cette tâche est de s’assurer que l’Irak ne possède plus de telles armes. Pourquoi ? Parce qu’il les a effectivement utilisées dans le passé ; et parce qu’il a à deux reprises, sur l’ordre de ses dirigeants actuels, agressé ses voisins : l’Iran en 1980 et le Koweït en 1990.
C’est la raison pour laquelle le Conseil de sécurité est déterminé à priver l’Irak de ces armes et a voté, depuis 1991, plusieurs résolutions exigeant son désarmement. Les peuples du monde entier veulent un règlement pacifique de cette crise. Ils s’inquiètent des terribles souffrances que provoque toujours la guerre, qu’elle soit longue ou courte, et redoutent les conséquences à long terme de celle qui s’annonce : instabilité régionale, crise économique… D’autant que certaines ne sont pas forcément prévisibles et sont susceptibles de créer de nouveaux dangers. Rendra-t-elle plus difficile la lutte contre le terrorisme ou la recherche de la paix entre Israéliens et Palestiniens ? Creusera- t-elle de profondes divisions entre pays et peuples de différentes confessions ? Compromettra-t-elle notre capacité à travailler ensemble à résoudre les problèmes de l’avenir ?
Ce sont là des questions sérieuses, et les réponses doivent être soigneusement considérées.
Il est parfois nécessaire d’utiliser la force pour s’opposer aux menaces contre la paix : la Charte prévoit des dispositions en ce sens. Mais la guerre ne doit être, en toute occurrence, qu’un ultime recours. On ne doit s’y résoudre que lorsque toutes les autres possibilités raisonnables ont été essayées et, dans le cas présent, que si nous sommes sûrs que tous les moyens pacifiques d’obtenir le désarmement de l’Irak ont été épuisés. Les Nations unies, qui ont été créées pour « épargner aux générations futures le fléau de la guerre », ont le devoir de rechercher une solution pacifique, jusqu’à l’ultime moment.
Ce moment est-il arrivé ? C’est ce que doivent décider à présent les membres du Conseil de sécurité.
Il s’agit sans nul doute d’une grave décision. S’ils ne parviennent pas à se mettre d’accord sur une position commune et si certains d’entre eux agissent sans l’autorisation du Conseil, la légitimité de cette action sera largement remise en question. Elle ne disposera pas du soutien politique nécessaire pour assurer son succès à long terme, après sa phase militaire.
Si, en revanche, les membres du Conseil réussissent à s’entendre, même à la dernière minute, et font appliquer leurs résolutions précédentes en se mettant d’accord sur une ligne de conduite commune, alors l’autorité du Conseil sera renforcée, de même que la sécurité dans le monde.
N’oublions pas que la crise irakienne n’intervient pas dans le vide. Ce qui se passe là-bas a un impact considérable sur d’autres problèmes très importants. Plus large sera notre consensus sur la manière de traiter l’affaire irakienne, plus grande sera notre chance de nous entendre à nouveau et de traiter efficacement les autres conflits brûlants à travers le monde, en commençant par celui qui oppose Israéliens et Palestiniens. Nous savons tous que seul un juste règlement de ce conflit peut apporter un véritable espoir de stabilité durable dans la région.
Au-delà du Moyen-Orient, la réussite ou l’échec de la communauté internationale dans l’affaire irakienne affectera d’une manière cruciale sa capacité à traiter les développements non moins inquiétants qui ont pour cadre la péninsule coréenne. Elle affectera notre travail en vue de résoudre les conflits qui causent tant de souffrances en Afrique et font reculer les perspectives de stabilité et de développement dont ce continent a tellement besoin.
La guerre n’est pas le seul fléau auquel notre monde doit faire face. Qu’il s’agisse de se protéger contre le terrorisme ou de lutter contre la sombre triade de la pauvreté, de l’ignorance et de la maladie, les nations doivent unir leurs efforts – et elles ont la possibilité de le faire grâce à l’ONU. Quelle que soit la manière dont ce conflit sera réglé, la place de l’ONU restera aussi centrale qu’elle l’est aujourd’hui. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour maintenir son unité.
Dans le monde entier, nous avons vu ces derniers mois l’énorme importance que les États, mais aussi les peuples, accordent à la légitimité apportée par l’ONU, et en premier lieu le Conseil de sécurité, en tant que structure commune où se forge la paix. À la veille de la décision capitale qu’ils ont à prendre, j’espère que les membres du Conseil garderont à l’esprit cette confiance sacrée que les peuples du monde ont placée en eux. Et qu’ils s’en montreront dignes.

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