Comme un seul homme

Citoyens, partis politiques, représentants de la société civile, organisations syndicales… le pays tout entier s’est mobilisé contre la guerre.

Publié le 18 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

Dans certains quartiers de Rabat, la police, uniforme bien visible, est sur les dents. C’est que, çà et là, des manifestations spontanées de lycéens criant leur refus de la guerre éclatent. Les hordes d’adolescents excités n’hésitent pas, parfois, à ponctuer leurs slogans antiguerre d’actes de vandalisme contre des vitrines ou des voitures… Cette dérive reflète néanmoins l’état d’esprit des Marocains, qui, tous, quel que soit leur bord, se mobilisent contre la guerre en Irak.
Menara, premier portail Internet du pays lancé par Maroc Télécom, a consacré une page de son site aux témoignages d’internautes indignés et fait régulièrement le point sur l’évolution de la situation à l’ONU et en Irak.
Le 23 février dernier, à l’appel du Comité national de soutien contre la guerre en Irak, 100 000 personnes venues des quatre coins du pays ont manifesté à Rabat pour exprimer leur désapprobation. Il y avait là des citoyens, les leaders des principaux partis politiques, les représentants de la société civile, les organisations syndicales, les ONG…
Faisaient bande à part, ce jour-là, les islamistes, qui étaient 30 000 à défiler dans les rues de la capitale à l’appel d’Al Adl wal Ihsane, mouvement non autorisé, mais toléré, d’Abdesselem Yassine. Très organisés, les « barbus » ont fait une nouvelle démonstration de force la semaine suivante, à Casablanca : plus de 150 000 manifestants, en grande majorité islamistes, ont défilé en rangs serrés, rejoints par leurs homologues du Parti de la justice et du développement (PJD). Fathallah Arsalane, porte-parole du PJD, avait alors déclaré à la presse : « Le rassemblement de Casablanca est l’expression du mécontentement populaire à l’égard des dirigeants arabes. Un large fossé sépare le peuple arabe de ses dirigeants. » Pour autant, les islamistes ne soutiennent pas le régime de Saddam Hussein.
Ainsi, Mustapha Ramid, député et figure majeure du PJD, déclare qu’« il y aurait beaucoup à dire sur le régime de Saddam Hussein, mais ce n’est pas le moment de le critiquer. Il faut avant tout se mobiliser contre la guerre. » Et Mustapha Ramid d’en appeler au « strict respect des principes du droit international. L’ONU doit jouer son rôle de gendarme du monde. Bush est finalement l’équivalent de Hitler. »
Toute la classe politique, sans exception, se prononce contre la guerre : pour Nagib Guedira, membre du comité central de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), « on ne peut pas accepter le principe de la guerre préventive. Si cette intervention a lieu malgré le veto du Conseil de sécurité, ce sera alors le début de l’arbitraire, l’instauration définitive de la loi du plus fort, celle des États-Unis contre le reste du monde ». Même son de cloche chez les conservateurs de l’Istiqlal : pour Abdellah el-Bakkali, membre du comité central du parti et secrétaire général de la jeunesse istiqlalienne, « la guerre contre l’Irak est une guerre contre l’humanité. Elle aura pour conséquence majeure de jeter le discrédit sur l’ONU et le droit international. Il n’y aura plus qu’un seul État qui imposera sa loi : les États-Unis. Bush est le dirigeant le plus fou que l’humanité ait jamais connu. Son père, contrairement à lui, avait su s’arrêter, et ne s’était pas mis à dos le monde entier. »
Certains craignent les conséquences éventuelles du déclenchement de la guerre. Pour Simon Lévy, un des leaders du Parti du progrès et du socialisme (PPS, ex-communiste), « cette guerre va causer beaucoup de dégâts, et son plus grand danger, c’est que Bush va affronter 1,5 milliard de musulmans qui vivent, tous, dans une situation de frustration. Cette tension ne va qu’exacerber la haine et favoriser la montée des extrémismes, les boucs émissaires étant toujours les juifs et l’Occident. » Confirmation de Mustapha Ramid : « Si la guerre est déclenchée, la société marocaine tout entière va réagir. »
D’ores et déjà, le Comité national de soutien contre la guerre s’apprête à envoyer en Irak une délégation marocaine composée de représentants de la classe politique, des ONG et de la société civile. Une quinzaine de personnes – dont, précise Mustapha Ramid, « un représentant du PJD » – doivent prochainement s’envoler pour Bagdad pour témoigner leur soutien au peuple irakien.

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