Les dessous d’un harcèlement

La France, les États-Unis et le Royaume-Uni rivalisent sur le continent africain à coups de pressions, de promesses et de cadeaux. La première pour empêcher le conflit, les deux autres pour l’engager avec la bénédiction des membres africains du Conseil de

Publié le 18 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

«Pourquoi vous le cacher : ils me font envie. On cite leur nom tous les jours, on leur téléphone, on les invite, on leur rend visite. Ah ! si nous avions la chance, comme eux, de siéger au Conseil de sécurité, une bonne partie de nos problèmes à court terme seraient résolus. Un vrai don du ciel… » Ainsi s’exprime, en ce mois qui n’a jamais aussi bien porté son nom – Mars, dieu de la Guerre, – un ministre africain et anonyme des Affaires étrangères. Eux, ce sont bien sûr l’Angola, le Cameroun et la Guinée, les trois représentants non permanents de l’Afrique au saint des saints de l’ONU, à la veille d’un conflit majeur en Irak. Une chance ? Apparemment oui. Ces trois pays ont en effet été courtisés, choyés depuis le début de l’année 2003 par le camp de la paix et celui de la guerre, dans un contexte et une atmosphère qui ne sont pas sans rappeler ceux de la guerre froide, quand Américains et Soviétiques rivalisaient sur le continent à coups de pressions, de promesses et de cadeaux.
Singulièrement dévaluée depuis la chute du mur de Berlin, l’importance stratégique de l’Afrique serait-elle à nouveau en hausse ? Gardons-nous de toute euphorie : cet engouement conjoncturel des « grands » ne concerne que trois États – trois voix au Conseil de sécurité – et pas un de plus. Ce serait en outre faire injure à leurs présidents respectifs, José Eduardo Dos Santos, Paul Biya et Lansana Conté, que de croire qu’ils cherchent avant tout à marchander leur position et d’imaginer qu’ils n’ont aucune conscience de la gravité de leur choix. Enfin, ainsi que le confie un proche collaborateur du ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin, qui l’a accompagné lors de sa tournée des trois capitales le 10 mars, « nous avons rencontré des gens plus inquiets que ravis : ils auraient voulu, dans le fond, que les États-Unis et la France finissent par s’entendre, car ils craignent un peu les conséquences de leur vote, quel qu’il soit. Ils ne croient guère aux récompenses et redoutent que Washington ou Paris ne leur applique des mesures de rétorsion. » À l’instar du Pakistan, qui a ouvertement formulé son désarroi, il n’est pas sûr en somme que l’Angola, le Cameroun et la Guinée considèrent vraiment leur siège à Manhattan comme une « chance ».
En l’espace de quelques semaines, et à mesure que s’approchait l’échéance cruciale du vote, Luanda, Yaoundé et Conakry ont vu se succéder trois émissaires en quête de persuasion massive. Walter Kansteiner IV tout d’abord, secrétaire adjoint américain aux Affaires africaines, Texan pur jus et belle gueule burinée de beach boy tout droit sorti de Dallas – le feuilleton. Dominique de Villepin ensuite, grand connétable du Quai d’Orsay, beau visage hâlé lui aussi, mais en nettement plus racé – façon « vieille Europe ». Valerie Amos, enfin, secrétaire d’État britannique pour l’Afrique, baronnesse distinguée saisie par l’humanitaire – une Noire. Qu’ont-ils dit à leurs hôtes ? Quels arguments ont-ils utilisés, sachant que si l’on se réfère à la déclaration de l’Union africaine en date du 3 février 2003, les Américains et les Britanniques se devaient de convaincre leurs interlocuteurs de changer d’avis, et les Français de s’y tenir ? Pays par pays, les dessous d’un harcèlement diplomatique…

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