Les chantiers du rail

Confronté à une concurrence croissante des transports aérien et routier, le réseau ferroviaire national se modernise.

Publié le 18 mars 2003 Lecture : 4 minutes.

Face à la libéralisation progressive de ses principaux concurrents, aérien et routier, l’Office national des chemins de fer marocain (ONCF) a décidé de se moderniser.
Longtemps, le développement des chemins de fer marocains s’est heurté à de nombreux obstacles. À commencer par celui de sa longueur : dépassant à peine les 1 900 kilomètres, le réseau ferroviaire fait pâle figure face à son adversaire routier, qui s’étire sur plus de 32 000 kilomètres. Construit en grande partie sous le protectorat, le rail n’a pratiquement pas changé depuis la fin de la tutelle française (1956), et ne dessert, aujourd’hui, qu’une petite partie du territoire national : le nord du pays, surtout, région la plus peuplée et urbanisée (voir carte). Par ailleurs, le transporteur ferroviaire chérifien a longtemps été bridé par des contraintes liées à son statut étatique (gel des tarifs, recours à un personnel pléthorique…).
Après une longue période de résultats peu reluisants, l’ONCF affiche aujourd’hui des indicateurs en hausse. Ainsi, au cours des neuf premiers mois de 2002, le chiffre d’affaires du groupe s’est élevé à 1,47 milliard de dirhams (139 millions d’euros), contre 1,34 milliard de dirhams (127 millions d’euros) un an plus tôt, soit une hausse de 9,4 %. En 2002, l’Office a transporté quelque 15 millions de personnes (contre 13,5 millions en 2001) et acheminé 30 millions de tonnes de marchandises (contre 27,5 millions un an plus tôt). Une tendance qui devrait se poursuivre : le budget 2003 prévoit une augmentation du trafic voyageurs de 4,1 % et du trafic marchandises de 12,7 %.
Pour faire face à ses concurrents, l’ONCF s’est engagé dans un grand projet de restructuration et de modernisation. L’organisme public bénéficie, à cet effet, d’un coup de pouce non négligeable du gouvernement. En 2002, il signe avec ce dernier un « contrat-programme » dans lequel l’État marocain s’engage à « accompagner [l’ONCF] dans ses efforts de développement et d’adaptation à la mutation de son contexte ». Et promet, plus concrètement, de débloquer, jusqu’en 2006, une somme de près de 2 milliards de dirhams (189 millions d’euros) destinée à accroître la rentabilité des chemins de fer chérifiens. L’entreprise publique se fixe un triple objectif : développer et moderniser des infrastructures incomplètes et vieillissantes, mettre en place une politique commerciale flexible et rentable, et réduire ses coûts de fonctionnement.
Première « étape » de cette modernisation en chantier, le lancement, en juillet 2002, du nouveau réseau express régional casablancais. Desservant plusieurs sites de la capitale économique du royaume, dont l’aéroport Mohammed-V (à une trentaine de kilomètres du centre-ville), le train Al-Bidaoui – c’est son nom – assure une fréquence quotidienne de trente-quatre passages entre 5 h 30 et 23 h 30. À terme, le réseau devrait s’étendre jusqu’à la ville de Mohammedia, située au nord de Casablanca et ainsi s’étirer sur une longueur totale d’une cinquantaine de kilomètres.
Les projets de l’ONCF ne se limitent pas à la seule capitale économique du royaume. L’Office prévoit d’investir, d’ici à 2005, près de 3,8 milliards de dirhams (360 millions d’euros) dans la réhabilitation et le développement de ses infrastructures. Plusieurs chantiers sont à l’ordre du jour (voir carte) : ainsi du doublement des voies entre Sidi-Kacem et Fès – en cours de réalisation, les travaux doivent se terminer d’ici à deux ans – ou entre Casablanca et Settat (en projet), de la construction d’une nouvelle ligne entre Nador et Taourirt, mais aussi de l’aménagement ou de la rénovation de gares. Enfin, le projet, maintes fois repoussé, d’une liaison ferroviaire entre Marrakech et Agadir est relancé : la construction d’un train à grande vitesse entre les deux grandes villes touristiques du royaume va faire l’objet d’une étude de faisabilité. Autre chantier : le rajeunissement du matériel roulant. L’ONCF prévoit l’acquisition de dix huit nouveaux trains ultramodernes, équipés de rames à deux niveaux. Montant total de l’investissement : 1,55 milliard de dirhams (147 millions d’euros).
Pour rentabiliser la modernisation de ses infrastructures, le transporteur ferroviaire marocain a totalement « dépoussiéré » sa politique commerciale. Une mesure qu’il a pu entreprendre au lendemain de la libéralisation de ses tarifs, intervenue en juin dernier. L’ONCF s’est fixé un double objectif : personnaliser les offres tarifaires en fonction des segments de clientèle (seniors, jeunes, familles, entreprises, etc.) et des périodes (haute et basse), et améliorer la qualité du service. À cet effet, il vient de s’équiper de nouveaux supports de commerce destinés à optimiser ses ventes. RésaRail, un système de réservation récemment installé, assure désormais la connexion de l’ensemble des gares du royaume à un serveur central. Par ailleurs, un centre de réservation téléphonique, baptisé Ketany, est aujourd’hui à la disposition des clients. Pourvu d’un numéro d’appel national unique, opérationnel sept jours sur sept, il est capable de recevoir jusqu’à cinq mille appels par jour et d’assurer les réservations. Enfin, pour étoffer son offre et développer son réseau de dessertes, l’ONCF a élaboré des formules combinées rail-route, destinées aussi bien aux passagers qu’aux marchandises.
Dernier cheval de bataille de l’ONCF : la réduction de ses charges de fonctionnement. L’Office prévoit de limiter les recrutements durant les années à venir, de redéployer une partie de ses effectifs – plus de dix mille salariés au total – en fonction de ses besoins réels, mais aussi de développer le recours à l’automatisation.
Avec ces mesures, l’ONCF se prépare à faire face au grand – et ultime – changement qui l’attend : sa transformation, d’ici à quelques années, en une société anonyme dont une partie du capital passera, à terme, entre les mains du secteur privé. Un défi de taille.

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