La jeunesse que l’on mérite ?

Publié le 18 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

Ce qui frappe d’abord le voyageur, à Tunis comme dans les zones de villégiature estivales, ce sont les grappes d’adolescents et de jeunes adultes qui déambulent le long des trottoirs, prennent d’assaut les lieux publics et les transports en commun, se déversent dans les centres commerciaux. Pour ne pas parler des plages qu’ils transforment en « territoires occupés ».
Si l’on voit des jeunes partout, les enfants, en revanche, se font rares. Pas de gamins, ici, qui traînent dans les rues à la recherche d’un improbable petit boulot comme on en rencontre à tous les coins de rue de Dakar ou de Casablanca. Dans le pays de Bourguiba, on ne rigole pas avec l’école. La scolarisation, aujourd’hui, frise 100 %.
Mais si l’on croise si peu d’enfants dans les rues, c’est aussi que la natalité a considérablement diminué au cours des dernières décennies. En 2000, l’indice de fécondité, c’est-à-dire le nombre d’enfants par femme, était de 2,1, contre 3,4 en moyenne dans le monde arabe et plus de 5,5 en Afrique subsaharienne. La pyramide des âges, sensiblement rétrécie à la base, reflète cette évolution. La démographie vient donc confirmer l’expérience empirique. Cette discipline scientifique nous dit aussi que, partout dans le monde, la baisse du nombre des naissances accompagne les grandes mutations modernes que sont l’urbanisation, la tertiarisation des économies, le développement de l’instruction.
Autant de phénomènes qui se traduisent par une amélioration générale des conditions de vie. Celle-ci, en Tunisie, se lit d’emblée dans les paysages urbains. Les immeubles poussent partout comme des champignons quand ce ne sont pas des quartiers entiers qui sortent de terre. Tandis que l’intensification de la circulation automobile rend nécessaire la construction ou l’aménagement de nombreuses routes et voies urbaines, l’embellissement des infrastructures, qu’il s’agisse des administrations, des sièges sociaux des entreprises ou encore des établissements scolaires, est un signe des nouvelles exigences collectives en matière d’environnement et de qualité de vie.
Habillement, alimentation, équipement des foyers, loisirs… Les modes de consommation ont profondément changé au cours des dernières années. Un mouvement dont les jeunes sont, comme partout dans le monde, à l’avant-garde. En matière de mode vestimentaire ou musicale, ils n’ont pas grand-chose à envier à leurs homologues de Rome, de Paris ou de Barcelone. Même si ce n’est pas une nouveauté, on est obligé de rappeler que beaucoup d’aspects de la tradition musulmane ont été mis aux oubliettes. Non seulement le safsari, cette pièce de tissu dont les femmes se couvraient le corps, a disparu, mais les tenues des jeunes filles se sont totalement alignées sur celles des Européennes. Minijupes, pantalons moulants, nombrils à l’air, rien n’arrête les jeunes Tunisiennes. Cela ne choque plus grand monde. Les plus âgés semblent résignés.
Certes, cette jeunesse rieuse et décontractée qui arpente les rues d’El-Manar ou des quartiers nouveaux de la capitale n’incarne pas à elle seule la totalité de la Tunisie. Il suffit de s’éloigner de quelques dizaines de kilomètres du littoral pour découvrir des gens moins perméables aux influences occidentales, plus ancrés dans la tradition. Mais une telle dichotomie n’est pas propre à la Tunisie, elle y est même moins flagrante que dans bien des pays, y compris les plus développés. On dit les jeunes Tunisiens matérialistes et frivoles. C’est vrai qu’ils n’ont pas l’air de se passionner pour la chose politique. Mais on peut les comprendre. La vie des partis, les élections, les débats nationaux n’ont ici rien d’enthousiasmant. Et s’ils s’enflamment parfois pour la cause palestinienne, on les imagine mal aller au-delà des belles déclarations. Et si, en fin de compte, on avait la jeunesse que l’on mérite ? Celle de la Tunisie est pragmatique et raisonnable. Ouverte au monde bien que fière de son identité. Que lui demander d’autre ?

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