Ils ont de l’énergie et des idées
Artiste, ingénieur en informatique ou agriculteur… certains jeunes affichent des parcours originaux. Et font preuve d’une précocité parfois étonnante. Rencontre avec trois d’entre eux.
DORRA ZARROUK
Comédienne et politologue
Déjà titulaire d’une maîtrise en sciences politiques décrochée à la faculté de droit et de sciences politiques de Tunis, Dorra Zarrouk, 24 ans, prépare actuellement un diplôme d’études approfondies à l’université Saint-Joseph de Beyrouth. Son sujet de thèse : « Les réfugiés palestiniens au Liban ». En février dernier, à Tunis, elle jouait sous la houlette du metteur en scène Taoufik Jébali dans Les Palestiniens, une pièce adaptée de l’oeuvre de l’écrivain français Jean Genet. En 2001, le même Jébali lui avait offert son premier rôle dans sa pièce Le Fou, d’après le livre de l’écrivain libano-américain Gibran Khalil Gibran. Le succès fut au rendez-vous, à Tunis comme à Beyrouth. Et, au début de l’année, elle répétait une adaptation du Huis clos de Jean-Paul Sartre, sous la direction du metteur en scène libanais Sihem Nacer.
Pour Dorra, fille d’avocat et de banquière (poète à ses heures), tout a commencé par des cours de danse moderne et de danse-théâtre. Son talent lui permet de participer aux spectacles des chorégraphes Sihem Belkhodja et Imed Jema. À 21 ans, elle suit un stage de comédie dispensé par le metteur en scène Fadhel Jaïbi, grande figure du théâtre tunisien et arabe. Également demandée par le cinéma, Dorra compte aujourd’hui deux longs-métrages à son actif : Khorma, de Jilani Saâdi, sorti il y a un mois en Tunisie, et Dar Ennas, de Mohamed Dammak, en cours de finition.
Cette belle brune au regard mystérieux ne voit aucune incompatibilité entre la carrière de comédienne et celle de politologue : « Ce sont deux moyens d’exprimer des opinions et de faire passer des messages. » Sa priorité : « Achever mon troisième cycle. Le sujet de ma thèse me passionne. Je suis allée dans les camps palestiniens du Liban. J’ai discuté avec des gens qui ont été expulsés de leurs terres en 1948, d’autres qui ont quitté les territoires palestiniens après la guerre de 1967 et d’autres, enfin, beaucoup plus jeunes, qui n’ont jamais connu la Palestine mais y sont plus fortement attachés encore que leurs parents. »
R.K.
NACEUR HIDOUSSI
Ingénieur ingénieux
« Il y a deux catégories de gens : ceux qui oeuvrent pour réaliser leurs rêves d’enfant et ceux qui les oublient. Je crois appartenir à la première catégorie », explique Naceur Hidoussi, 29 ans, président-directeur général d’Hexabyte. Ce polyglotte – il parle couramment l’arabe, le français, l’anglais et l’italien – est sorti major de l’École supérieure des postes et télécommunications de Tunis (ESPTT) en 1998 et a obtenu, deux ans plus tard, son master en génie électrique à la California State Polytechnic University, aux États-Unis… avec les félicitations du jury !
Le jeune ingénieur restera d’ailleurs en Californie, où il travaillera dans un premier temps (de janvier 2000 à janvier 2001) pour la compagnie Hughes and Space Communication. Il y met ses compétences au service du projet Thuraya, un satellite réalisé pour le compte des Émirats arabes unis. Puis, jusqu’en août 2001, il loue ses services à Boeing Satellites Systems. Lui qui a toujours rêvé de voler… Il participe à la conception d’un logiciel de gestion d’embauche pour le compte du département des ressources humaines de l’entreprise, et au développement de l’interface de commande et de télémétrie du satellite américain Spaceway.
De retour à Tunis, Naceur Hidoussi s’occupe d’Hexabyte, société qu’il a fondée quelques mois plus tôt avec l’ambition de devenir fournisseur de services Internet pour toutes les régions du pays. En peu de temps, la société est devenue un incubateur d’idées en matière de nouvelles technologies et a développé plusieurs produits. En juillet 2001 est née Eye on Dots, société spécialisée dans la sécurité informatique et la protection des télécommunications. Un mois plus tard, le jeune entrepreneur co-fonde Promotion.com, structure qui donne dans le Web-marketing et le mass-mailing électronique. Ce portail regroupe aujourd’hui un large éventail de produits en promotion, commercialisés par les sociétés tunisiennes. Hidoussi devrait bientôt lancer E-serve, qui a pour vocation de développer des applications intelligentes pour téléphones mobiles (SMS banking, mobile chating, mobile voting, basic SMS…) et qui emploiera, là encore, des développeurs tunisiens.
« Nous avons toujours parié sur la créativité et le savoir-faire des informaticiens locaux. C’est l’une des clés de notre réussite », précise Hidoussi. Sa méthode : « Avoir toujours une idée d’avance. Chercher ensuite les gens capables de la concrétiser. Assurer enfin la cohésion et le financement du projet. » En moins de deux ans, Hexabyte est passée de 4 à 18 salariés, dont 14 ingénieurs en informatique et télécoms. Quant au chiffre d’affaires, « il connaît une évolution à deux chiffres tous les deux mois », affirme le patron. Pourquoi a-t-il choisi de retourner en Tunisie alors que sa carrière était bien lancée aux États-Unis, où il aurait sans doute bénéficié d’un environnement technologique et financier autrement plus performant ? « D’abord, j’aime mon pays. Ensuite, grâce aux nouvelles technologies de l’information, qui rendent obsolète la notion de géographie, on peut penser, créer et vendre partout dans le monde. »
R.K.
FATMA BERHOUMA
Pionnière du bio
On a peine à croire que cette jeune fille de 25 ans est devenue la première femme du pays à pratiquer l’agriculture biologique, reconnue officiellement par un certificat international répondant aux normes européennes. Rien, pourtant, qui puisse monter à la tête de Fatma Berhouma. Le bio, elle « baigne » dedans depuis son plus jeune âge. Son père, Mekki, 54 ans, un temps employé comme technicien au ministère de l’Agriculture, est aujourd’hui un agriculteur réputé de la région de Takelsa (presqu’île du cap Bon, au sud-est de Tunis) et l’un des pionniers de la culture bio dans le pays. C’est d’ailleurs lui qui l’a poussée à tenter sa chance, conscient des conditions favorables consenties par l’État, qui, depuis quatre ans, encourage ce type de production, destinée essentiellement à l’exportation. Une aubaine pour la région de Takelsa, déclarée « zone bio » pilote où le traitement aérien avec des produits chimiques est interdit. « Ma fille ne cessait de pleurnicher pour que je lui achète un demi-hectare afin d’y pratiquer l’apiculture et l’aviculture, ses hobbies depuis sa plus tendre enfance », raconte Mekki Berhouma. Fatma, qui a quitté le lycée en troisième année, a été formée par sa famille avant de se perfectionner pendant six mois au Centre de la jeune fille rurale. En 1998, grâce à l’aide de son père et à un prêt foncier (sur vingt-cinq ans) de l’Agence de promotion des investissements agricoles (Apia), elle s’achète non pas un demi-hectare, mais sept hectares et demi de terres. Un autre prêt lui sert à financer les équipements. Pour ce type de matériel, comme les systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte, les subventions peuvent atteindre jusqu’à 60 % du coût total. En un an, Fatma est lancée. Elle conduit le tracteur, laboure, surveille les ouvriers, s’occupe plus particulièrement de ses abeilles et de ses poules, et supervise la « fertirrigation », une technique qui consiste à ajouter de l’engrais organique directement dans les eaux d’irrigation. L’invention de ce procédé « plus bio que bio » fait la fierté de la famille Berhouma. Selon Mekki, il s’agit là d’une « première à l’échelle méditerranéenne ». En attendant que les trois mille plants d’agrumes bios entrent en production, dans un an, la ferme produit pommes de terre, petits pois et fèves, avec un rendement à l’hectare plus élevé qu’en culture traditionnelle, en plus des pastèques, tomates, plantes aromatiques et pharmaceutiques. Tous ces produits sont exportés, essentiellement vers la France et l’Angleterre. « Ici, on vend avant de produire, déclare Fatma. On cultive à la carte et à la demande du client. » La jeune femme compte déjà parmi ses habitués un magasin célèbre dans la grande distribution et le seul restaurant macrobiotique de la capitale !
Az.B.
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