Il ne suffit pas d’être maghrébin…

Maghreb. Le chef de l’une des plus puissantes monarchies du monde reçu en frère, du 13 au 15 mars 1963, dans la capitale la plus révolutionnaire d’Afrique. Extraits…

Publié le 18 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

Hassan II est la première « tête couronnée » reçue officiellement à Alger depuis Napoléon III [septembre 1860, NDLR]. Cela signifie clairement que le Maghreb est fermement décidé à se diriger vers son unité. On est d’accord de part et d’autre pour ne pas précipiter les choses et pour procéder par de sages étapes, mais encore faut-il savoir quelles doivent être ces étapes. Dès aujourd’hui, les leaders maghrébins envisagent trois domaines dans lesquels une coopération pourrait s’installer utilement au sein du Maghreb.
1. Une représentation diplomatique commune : cela peut se faire par l’économie de certaines ambassades ou de consulats qui n’ont qu’un intérêt limité et qui absorbent des crédits et des hommes qui pourraient être utilement transférés à d’autres secteurs. Ce projet créerait auprès de tous ceux qui seraient appelés à le mettre en oeuvre une « conscience maghrébine ». Lorsqu’un Marocain défendra auprès des étrangers les intérêts tunisiens ou algériens, il lui sera difficile de revenir par la suite à une vue étroite des intérêts strictement nationaux.
2. La coopération avec la Communauté économique européenne : pour les trois pays maghrébins, la proximité du marché des Six est de première importance. Il s’agit pour eux de ne pas se trouver à l’extérieur de cette frontière douanière commune.
Alors là, de deux choses l’une : ou chacun des trois se présente tout seul face au Marché commun en espérant en tirer le maximum, grâce aux amitiés particulières qu’il peut avoir et aux atouts réels dont il dispose, ou bien l’Afrique du Nord dépose un dossier commun à Bruxelles.
En se présentant aux Européens comme un bloc économique, les Maghrébins auront l’avantage de pousser Bruxelles à assouplir sa position. Mais il faut tout d’abord constituer ce dossier commun et mettre les techniciens au travail. Ce qui n’a pas encore été fait. Du moins, a-t-on envisagé à Alger de créer ces commissions de travail. Aucune décision sérieuse ne pourra être prise avant que les pays du Maghreb ne se soient entendus sur ce qu’ils veulent obtenir du Marché commun.
3. La coordination économique : là encore, rien n’est étudié en détail. Chacun des trois pays est en train de construire son économie sans trop se préoccuper de ce que fait le voisin et l’on aboutit à ceci que des unités de production identiques sont mises en activité en plusieurs points du Maghreb alors qu’une seule d’entre elles pourrait couvrir les besoins de toute l’Afrique du Nord. C’est un gaspillage d’investissements que l’on ne peut pas se permettre, mais qui continuera tant que l’on n’aura pas coordonné les plans de développement des trois pays.
L’étranger observe cette anarchie d’un oeil amusé, et il est urgent d’y mettre fin. Hassan II et Ben Bella en ont conscience, mais ils ne veulent rien précipiter. Du moins, du côté algérien, il y a une certaine réticence à s’engager trop rapidement dans cette entreprise. Certains redoutent qu’une imbrication économique trop profonde au moment où l’Algérie n’a pas encore trouvé un nouvel équilibre ne transforme l’Oranie en un appendice du Maroc. « Pour nous, m’a dit un responsable algérien, il est urgent d’attendre. »
On retrouve cette réserve à peu près dans tous les domaines. Elle s’explique par plusieurs raisons. D’une part, le désir d’attendre que l’Algérie atteigne une stabilité plus réelle. Les Algériens préfèrent, pour le moment, concentrer leurs efforts sur les problèmes intérieurs avant d’élargir leur cadre d’action. Sur les principes, ils sont entièrement favorables à une coordination maghrébine de plus en plus poussée, mais ils estiment que, pour eux, le moment n’est pas encore venu d’envisager concrètement les problèmes de l’unité du Maghreb. De ces entretiens bilatéraux, il restera le souvenir d’une spectaculaire réception, mais ils auront aussi contribué à faire avancer cette idée qu’il ne suffit pas d’être maghrébin, il faut aussi vouloir l’être.

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