Guinée : dette et diabète

Publié le 18 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

Kansteiner était le 22 février à Conakry, Villepin le 10 mars, et Valerie Amos le 11. Lansana Conté est le seul chef d’État africain à qui Jacques Chirac a fait parvenir un message personnel écrit – il est vrai que son pays préside le Conseil de sécurité. Le jour même où le ministre français des Affaires étrangères arrivait à Conakry pour quelques heures, son homologue guinéen François Lonsény Fall était reçu à Washington par Colin Powell et Walter Kansteiner pour un entretien au corps à corps. Ces grandes manoeuvres ont eu la particularité de se dérouler au chevet d’un président malade – on parle d’un « diabète gravissime » – et absent. Cloîtré dans son village, Lansana Conté ne voit presque personne et ne décroche pratiquement plus son téléphone. « Mon sentiment est qu’on ne veut plus le montrer », explique un haut responsable du Quai d’Orsay de passage tout récemment à Conakry, avant de livrer son « inquiétude » face à la « situation de fin de règne » qui prévaut dans une capitale en proie aux émeutes lorsque le ministre Villepin y a effectué son escale de travail. Si l’on ignore quel est le degré de communication réel entre le chef de l’État et son gouvernement, voire la validité de ses directives (Dominique de Villepin n’a même pas pu s’entretenir avec lui au téléphone lors de son passage à Conakry), chacun s’accorde à reconnaître que la spécificité guinéenne demeure. À savoir de forts réflexes d’indépendance qui, espérait-on à Paris à la veille du vote, conduiront le pays de Sékou Touré à dire « non » à l’Amérique – au besoin en s’abstenant. Et ce en dépit des pressions exercées sur ses relations avec le FMI, l’allègement de sa dette, son éligibilité à l’Agoa et le soutien éventuel à l’opposition dans la perspective de la présidentielle de décembre prochain.
Pour conforter son refus d’une guerre américaine en Irak avec l’appui d’une majorité des membres du Conseil de sécurité, Jacques Chirac comptait également sur « la capacité de mémoire des Africains », confie l’un de ses conseillers. « Les Américains promettent beaucoup, mais leurs promesses ne les engagent pas ; dès que la guerre aura commencé, l’Afrique sera oubliée », ajoute-t-il, citant son « patron ». Sans doute est-ce pour dissiper cette impression que la conseillère de George Bush pour la sécurité nationale, Condoleezza Rice, a semblé redécouvrir début mars ses racines africaines. De mémoire d’habitué de la Maison Blanche, jamais Condi n’avait jusqu’alors trouvé le temps de courtiser les diplomates subsahariens, encore moins de téléphoner à ses « amis » Paul Kagamé, Mélès Zenawi et Abdoulaye Wade, trois chefs d’État parmi les plus proaméricains du continent. La perspective d’une hypothétique « victoire » à l’ONU valait bien que la femme la plus occupée de Washington y consacre quelques-unes de ses précieuses heures. En attendant de passer, à nouveau, aux choses essentielles : la guerre, par exemple…

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