Fini le temps de l’impunité ?

En procédant à l’arrestation d’un ministre en exercice, le Tribunal spécial des Nations unies donne une belle preuve d’indépendance.

Publié le 18 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

Alors que la Cour pénale internationale (CPI) installait ses dix-huit juges à La Haye (voir p. 101), le procureur du Tribunal spécial des Nations unies pour la Sierra Leone annonçait l’arrestation de cinq personnes, dont un membre de l’actuel gouvernement et deux anciens chefs rebelles. Sam Hinga Norman occupait le poste de ministre de l’Intérieur dans le cabinet du président Ahmed Tejan Kabbah. Durant la guerre civile qui a déchiré la Sierra Leone de 1991 à 2001, il dirigeait une milice, les Kamajors, alliée des forces gouvernementales contre le Front révolutionnaire uni (RUF), la rébellion menée par Foday Sankoh – lui-même emprisonné depuis 2000. Les deux autres personnalités tombées dans les filets du Tribunal spécial sont justement deux anciens du RUF, Issa Sesay et Morris Kallon.
« Aujourd’hui, les Sierra-Léonais ont repris le contrôle de leur vie et de leur avenir… Les jours sombres où les armes faisaient la loi sont terminés », a déclaré le procureur David Crane, en commentant la première démonstration d’autorité de ce tribunal ad hoc mis en place le 16 janvier 2002, conjointement par les Nations unies et le gouvernement de la Sierra Leone. Alors que les huit juges n’ont prêté serment qu’en décembre 2002, la nouvelle de l’arrestation de personnalités importantes dès le mois de mars a surpris les organisations de défense des droits de l’homme.
Le Tribunal spécial est chargé de poursuivre « les personnes qui portent les plus grandes responsabilités dans les violations graves du droit international humanitaire et des lois sierra-léonaises commises sur le territoire national depuis novembre 1996 ». Contrairement aux juridictions spéciales pour le Rwanda et pour l’ex-Yougoslavie, qui dépendent directement du Conseil de sécurité de l’ONU et poursuivent leurs activités en terrain neutre, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a son siège dans le pays où ont eu lieu les faits incriminés. Son personnel est à la fois local et international, et opère sous la responsabilité commune des Nations unies et du gouvernement. Beaucoup craignaient que l’action de l’institution ne soit entravée par les pressions. D’autant plus qu’on spéculait, dès le début de l’instruction, sur la probable inculpation de membres influents du gouvernement actuel.
Si le RUF s’est illustré par des amputations en série, les sinistres « manches courtes » et « manches longues », les Kamajors, combattant aux côtés des troupes gouvernementales, sont aussi accusés de nombreuses atrocités. La preuve d’indépendance que vient de donner le Tribunal spécial en arrêtant un ministre en exercice n’est pas du goût de tout le monde. Pour certains, des personnages comme Sam Norman sont des héros pour s’être opposés au RUF et ne devraient donc pas se retrouver sur le banc des accusés. C’est sans doute pour éviter une réaction violente que les personnes arrêtées ont été transportées par hélicoptère dans une prison tenue secrète en dehors de la capitale.

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