Drôles de « boucliers »

Venus du monde entier, trois cents pacifistes rêvaient de faire obstacle aux bombardements américains. La plupart sont rentrés chez eux.

Publié le 18 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

Quel rapport entre un ancien marine américain traumatisé par la guerre du Golfe et un islamiste jordanien ? Entre un gauchiste du Parti travailliste britannique et un membre de SOS-Enfants d’Irak, l’association coprésidée par Jany Le Pen, l’épouse de qui vous savez ? Entre Miss Allemagne et une retraitée du Bedfordshire ? Réponse : aucun. Sauf que tous, à un moment ou à un autre, ont séjourné à Bagdad au cours des deux derniers mois. Quelques-uns s’y trouvent encore, résolus à contrarier, par leur seule présence, les futurs bombardements américains. Ce sont les human shields, les « boucliers humains ». Ils étaient près de trois cents au début du mois de mars. Ils ne sont plus que soixante-dix aujourd’hui. Après la spectaculaire dégradation de leurs relations avec les autorités irakiennes, beaucoup ont en effet préféré rentrer chez eux. Quant à Ken O’Keefe, leur chef, il a été expulsé vers la Jordanie.
Avec sa dégaine de baba cool sur le retour, celui-ci était pourtant animé des meilleures intentions. « La perspective de voir les corps sans vie d’Occidentaux mêlés à ceux des Irakiens devrait faire réfléchir les responsables de cette guerre impérialiste pour le pétrole », commentait-il angéliquement, avant son départ. Donald Rumsfeld, le secrétaire américain à la Défense, lui avait indirectement répondu : « Il est clair que ceux qui ont choisi de se mettre dans une situation dangereuse vont en effet se retrouver dans une situation dangereuse. » Lapalissade qu’on pourrait traduire par « qu’ils aillent au diable ». En termes moins abrupts, le général Franks, chef des forces armées américaines dans le Golfe, s’était pour sa part déclaré incapable d’assurer leur sécurité.
« Je sais que je prends un risque, mais je suis un vieil homme et j’ai eu une belle vie : je ne veux pas la gâcher à mes yeux », commentait pour sa part le chanteur britannique Karl Dallas, qui, à 72 ans, n’a pas renoncé à « défendre l’humanité ». « Si la guerre éclate, je veux être là où les bombes tombent », renchérissait l’Américain Ken Nichols, un ancien militaire.
Les choses n’ont pourtant pas tardé à se gâter. Par crainte de possibles infiltrations d’agents américains, les autorités ont d’abord réchigné à leur accorder des visas. Puis, après le feu vert donné, début février, par le vice-Premier ministre Tarek Aziz, les « boucliers » ont prétendu prendre position devant des sites civils pas trop dangereux : hôpitaux, écoles ou stations d’épuration. Résultat : ils ont été installés dans la centrale électrique de Bagdad-Sud, entre un pont et une base militaire. Jouer les martyrs virtuels devant les caméras de la télévision est une chose, servir de chair à canon, dans la réalité, en est une autre. Les moins exaltés – ou les plus prudents – ont commencé à manifester la crainte d’être manipulés par les Irakiens – ce qui ne semblait pas les avoir effleurés jusque-là.
Pourtant, une poignée d’irréductibles résolus à éviter la guerre « à n’importe quel prix », fût-ce celui d’une collusion avec le régime de Saddam Hussein, s’obstinent. Ils ont été douillettement installés à proximités de sites stratégiques…

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