[Chronique] L’Afrique du débat d’idées (enfin) de retour
La crise actuelle donne l’occasion au continent, dont la gestion de la pandémie de Covid-19 n’a pas manqué d’être remarquée, d’insuffler de nouvelles dynamiques et de se projeter vers l’avenir avec confiance et combativité.
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Joël Té-Léssia Assoko
Joël Té-Léssia Assoko est journaliste spécialisé en économie et finance à Jeune Afrique.
Publié le 24 mai 2020 Lecture : 2 minutes.
Pourvu qu’elles échappent à l’extrême agressivité du débat sur le franc CFA, les lignes de fracture créées ou exacerbées par la crise sanitaire et économique liée au Covid-19 pourraient donner un nouveau souffle au débat d’idées sur le continent.
Les propos embarrassés devant la dépendance croissante des économies africaines aux capitaux chinois cèdent le pas à une discussion plus franche sur les arbitrages à réaliser. Le choix d’Ethiopian Airlines de maintenir la desserte de la Chine a fait voler en éclats le consensus mou qui existait en Afrique de l’Est, Nairobi prenant la tête de la fronde contre son allié et concurrent régional.
Approfondissement des marchés
Toujours vis-à-vis de Pékin, l’enthousiasme peut-être excessif au sujet des « 85 millions d’emplois » que l’empire du Milieu ne manquerait pas de délocaliser, à terme, vers l’Afrique a vécu. Place désormais à une réflexion plus ardue sur le développement des chaînes de valeurs locales et l’approfondissement des marchés africains.
La relation entre les entrepreneurs et l’État est en train de changer
Malgré le mutisme d’Abidjan, les positions tranchées de Dakar et Cotonou au sujet du moratoire sur les dettes des pays africains signalent deux visions antagonistes des priorités de l’État et de son pouvoir face aux marchés. Par là, des préférences potentiellement différentes quant aux contours de l’eco, la future monnaie commune.
De même, la Coalition du secteur privé contre le Covid-19 (Cocavid), lancée fin mars par Aliko Dangote, avec la Banque centrale du Nigeria, traduit une évolution dans la relation entre les entrepreneurs et l’État, jusqu’ici perçu somme un simple tremplin pour le monde des affaires.
Réalignements
Le subtil équilibre de l’économie marocaine, porté par une alliance public-privé sous « l’impulsion royale », a changé d’état dès avant la crise avec l’intervention directe du souverain dans les grands choix d’orientation du crédit en faveur des PME, des jeunes et des zones rurales. Une (r)évolution qui, le choc macroéconomique aidant, a libéré la parole des entrepreneurs. Fait rare : Chakib Alj, président du patronat marocain, a publiquement admonesté fin mars le lobby bancaire sur sa lenteur à décaisser des fonds.
De la décision du président Cyril Ramaphosa – pourtant ancien syndicaliste – de laisser South African Airways mourir de sa mauvaise mort à celle du gouvernement d’Abdelmadjid Tebboune de s’écarter du totem du « 51/49 % », qui limitait l’investissement étranger en Algérie, partout apparaissent de nouveaux réalignements, de nouvelles coalitions et oppositions. En fait : un retour à de véritables débats d’idées sur les choix économiques de l’Afrique. Ce n’est pas trop tôt.
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