Deux pommes de discorde

Publié le 18 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

L’affaire irakienne et la situation de l’Autorité palestinienne sont, l’une et l’autre, sous-tendues par des contradictions et des désaccords difficiles à surmonter. Désaccords, d’abord, entre Israéliens et Palestiniens concernant la priorité à donner soit à la négociation, soit à la sécurité. Le gouvernement israélien exige, comme préalable à tout règlement politique, l’arrêt de l’Intifada. L’Autorité palestinienne y voit un piège tendu par Sharon pour annihiler toute résistance et éluder – pour toujours ? – un règlement politique de la question palestinienne.
En l’absence d’un arbitrage efficient, la situation s’enlise. Le nombre de Palestiniens tués chaque jour par l’armée d’occupation ne cesse d’augmenter. On se demande si un des objectifs de Sharon n’est pas aussi d’exterminer les cadres de ce peuple malchanceux et de laisser à elles-mêmes des masses déboussolées. Ce serait, de sa part, un mauvais calcul – comme le fut, naguère, la bienveillance témoignée au Hamas naissant, dans le but d’en faire un rival de l’OLP. On sait ce qu’il en est advenu.
Désaccord aussi entre les États-Unis et les Arabes en ce qui concerne le règlement, en priorité, de l’affaire irakienne. Israël n’est sûrement pas étranger à cette attitude, pensant que l’éviction de Saddam lui permettrait, dans la foulée, d’écarter Arafat. Sharon doit également estimer qu’à la faveur du branle-bas de la guerre, il lui sera facile de réaliser son rêve : le « transfert », appelé aussi la « solution jordanienne ». Il doit surtout espérer que le « remodelage » de la région, prôné par nombre d’instances américaines, réduira à néant pour longtemps le soutien que certains États arabes continuent à apporter à la cause palestinienne.
Les Arabes, au premier rang desquels les Palestiniens – et justement pour les mêmes raisons -, demandent à Washington d’inverser ses priorités et de commencer par régler le problème palestinien. Certains, parmi les plus proches de l’Amérique, avancent comme argument qu’il leur serait difficile de lui apporter leur soutien dans la campagne d’Irak, alors que la soldatesque israélienne continue à tuer et à dévaster des quartiers entiers. Tous craignent – comme du reste les Européens – que l’écrasement de l’Irak ne déclenche un processus de désorganisation dans la région, qui rendrait plus difficile encore le règlement du conflit avec Israël.
Sur les conséquences de l’invasion de l’Irak, le désaccord entre l’Amérique et les Arabes est total. Washington affiche un optimisme en béton : la guerre va libérer un peuple, assainir la région et favoriser une évolution positive des régimes en place. Les Arabes, au contraire – ainsi que les Européens, du reste, et le Vatican -, pensent que les peuples de la région verront dans cette invasion une nouvelle croisade, la Xe. Ils craignent alors que la chute de Bagdad ne donne le signal d’actions terroristes de grande ampleur et pour une longue durée.
À ce bouillonnement d’opinions opposées et d’hypothèses contradictoires s’ajoute la discorde intestine entre États arabes. Pour les uns, l’Irak doit mieux coopérer avec l’ONU. Mais d’autres se demandent si cela est encore utile, l’armada américaine n’étant pas venue au Moyen-Orient pour une promenade de santé. Il est vrai qu’une contribution arabe à la paix n’est rien de moins que tardive. Aussi la définition d’une démarche commune reste-t-elle bien aléatoire.
Une chose est sûre : la sagesse des nations est contredite par la logique actuelle des préparatifs de guerre ; les Romains voulaient montrer leur force, pour ne pas à avoir à l’utiliser. Si vis pacem, para bellum. Ayant préparé cette guerre depuis longtemps – même seulement, comme le suggèrent certains, dans le seul but de forcer Bagdad à composer -, les États-Unis semblent à présent prisonniers de la logique du dieu Mars. Bien qu’il n’y ait aucune honte à se soumettre, éventuellement, au dieu de la paix ? Mais, au fait, comment s’appelle, dans la mythologie gréco-romaine, le dieu de la paix ?
* Ancien secrétaire général de la Ligue arabe.

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