Des nouvelles du Diable
Publié le 18 mars 2003 Lecture : 2 minutes.
ON APPREND AVEC EFFROI QUE SATAN s’est installé au Maroc. C’est du moins ce qu’affirme le procureur du tribunal de première instance de Casablanca, où s’est tenu, il y a quelques semaines, le procès des acolytes du Malin. Non, ce ne sont pas ses agents immobiliers qui sont en cause – un petit riad à Marrakech, cher Iblis ? -, mais des p’tits gars un peu paumés dont le seul tort est de trop aimer la musique techno et la mode gore. Pour ce qui est de la musique en question – boum, boum, boum, boum -, je ne suis pas loin d’acquiescer à l’enfermement perpétuel de ses amateurs, mais enfin de là à déranger le Diable et son train, il y a quand même un monde. Et même deux, si l’on compte celui des djinns.
Joint au téléphone, le proc’ du roi nous a confirmé que l’affaire était sérieuse. L’islam étant religion d’État au Maroc, la paix de Dieu y règne, et Belzébuth y est persona non grata depuis l’an 788 et l’avènement d’Idris Ier. D’autre part, il faut être logique : on ne peut pas en même temps réprimer les islamistes radicaux et fermer l’oeil quand il s’agit des diablistes. Entre ceux qui veulent interdire toute musique et ceux qui propagent la pire musique qui soit, il ne faut pas faire de discrimination : tous au violon ! Cette belle tirade me donna une idée :
– Pourquoi n’enfermez-vous pas les uns et les autres dans la même cellule, avec des rifles et des tromblons, qu’ils se massacrent gaiement et Dieu reconnaîtra les siens ?
C’est là que le procureur a raccroché.
Tout cela incite à la réflexion. Pourquoi diable le Diable a-t-il choisi de quitter le royaume des Ténèbres pour s’installer dans celui dont la lumière enchanta Delacroix et Matisse ? Bien sûr, le doux climat de l’empire chérifien et sa fabuleuse cuisine y sont pour quelque chose. Bien sûr, les cheikhates peu farouches de l’Atlas et le petit vin de Guerrouane ont de quoi détourner Satan de son chemin tortueux. Mais les mêmes arguments peuvent être utilisés à propos de Bali, des Seychelles ou de la Tunisie. Alors ? On se perd en conjectures.
Bah, pourquoi s’inquiéter de tout cela ? Après tout, si Belzébuth a débarqué au Maroc pour y couler des jours tranquilles, c’est qu’il est au bout du rouleau. La fin de l’Histoire, cher Fukuyama, c’est maintenant officiel. Hitler est mort, le goulag a fermé ses portes et les Chinois s’enrichissent. Il ne manquait qu’un point d’orgue spectaculaire. Eh bien, le voici : le Diable a pris sa retraite !
