Voyage au bout de soi
Marc Durin-Valois nous raconte la fuite éperdue de Rahne à travers le désert. Avec force et sans misérabilisme.
Publié le 18 février 2003 Lecture : 1 minute.
Chamelle, le deuxième roman de l’écrivain- journaliste Marc Durin-Valois, a été classé parmi les vingt meilleurs livres de l’année 2002 par la rédaction de Lire et connaît un beau succès de librairie. Enfant, l’auteur a vécu en Ouganda, au Kenya, en Tanzanie, et dans tous les pays frontaliers du Soudan. Il réussit aujourd’hui à se glisser dans la peau d’un Africain. Un instituteur contraint de quitter son village avec sa femme, ses quatre enfants, et quelques bêtes. Car l’eau manque, la guerre menace. C’est une fuite pour survivre, une quête hasardeuse et dangereuse, celle de l’eau, « or blanc » du futur. Et les choses précieuses se troquent, contre une bête, une femme ou un enfant. Rester ou partir, vers le Nord ou le Sud, se sacrifier ou sacrifier son enfant, tels sont les choix tragiques auxquels est confronté Rahne, le narrateur. Comme dans la tragédie grecque, le roman de Marc Durin-Valois a valeur universelle. Le soleil brûle, les outres se vident, les hommes se déshydratent et maigrissent. Mais ils doivent poursuivre leur route, toujours plus loin dans le désert, huis clos silencieux.
Chamelle est un texte aussi poétique que cruel. Le lait de la femelle dromadaire ne suffira pas à préserver les trois fils et la femme de Rahne de la maladie et des bandes de pillards. « Ni larme, ni plainte. Nos émotions sont comme les branches d’un arbre mort », dit celui qui, quatorze ans plus tôt, a déjà perdu une première famille en fuyant la ville et la guerre civile. L’émotion réside surtout dans la relation qui lie Rahne à sa petite fille Shasha, dans le silence qui existe entre les êtres qui ont tout perdu. C’est la force de ce roman : parvenir, sans misérabilisme, à nous faire marcher au rythme de ces hommes assoiffés.
Chamelle, éditions JC Lattès, 190 pp., 18 euros.
