Une vitrine si fragile

Le risque terroriste mondial, les menaces de guerre en Irak et la chute des places boursières provoquent depuis plusieurs mois un ralentissement important dans les domaines du luxe et du tourisme .

Publié le 18 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Un pays réputé ingouvernable, qui compte plus de trois cents fromages et qui a fait de la grande cuisine et de la haute couture ses emblèmes incontestés. Ces clichés ont grandement contribué à forger son image. Si la France est réputée dans le monde entier, elle doit sa notoriété autant à son attraction de patrie des libertés qu’à sa diversité et à sa beauté mêlées à sa capacité d’incarner l’art de vivre et le luxe. Aussi reste-t-elle la première destination touristique mondiale : chaque année plus de 76 millions de visiteurs prennent le chemin de l’Hexagone.
Ces secteurs – le tourisme et, dans une moindre mesure, la gastronomie et le luxe – sont essentiels dans la vie économique et contribuent largement à la balance commerciale du pays. Même florissants, ils sont toutefois fragiles et doivent être constamment renouvelés pour que la célébrité soit maintenue. Ainsi, il y a quelques années, la mode française était en passe d’être détrônée : les maisons de couture vieillissaient, la créativité s’estompait au profit de Londres, les collections de haute couture de Milan et même de New York avaient tendance à prendre le pas sur celles de Paris. Bernard Arnault, le patron du groupe de luxe LVMH, eut alors l’idée de faire appel à un jeune créateur britannique, John Galliano. Celui-ci donna du sang neuf à la vieille maison Dior et réussit à la dépoussiérer. Il fut un électrochoc pour tout l’univers de la mode, dont bénéficièrent nombre de jeunes stylistes. En quelques années, Paris redevint la ville où la créativité était la plus importante. Aujourd’hui, elle est à nouveau la capitale de la mode. Avec ses conséquences : l’essentiel n’est pas de vendre quelques modèles de vêtements haute couture mais, à la suite de la publicité acquise par leurs créations, de générer un chiffre d’affaires important fondé sur la vente massive des parfums, des produits de beauté et des accessoires comme les sacs.
Le tourisme et le luxe, étant par nature un superflu aux yeux des consommateurs, sont évidemment très sensibles à la conjoncture : l’attentat du World Trade Center à New York, la perspective de la guerre contre l’Irak, la morosité économique, la chute des Bourses provoquent, depuis plusieurs mois, un ralentissement important dans ces domaines. En 2001, année où le tourisme international a reculé pour la première fois depuis 1982, perdant dix millions d’emplois dans l’ensemble du monde, la France est parvenue à maintenir sa première place mais, au niveau des recettes, elle a été rétrogradée au troisième rang, derrière les États-Unis et l’Espagne. De plus, alors que le nombre de visiteurs progressait, en moyenne, de 5 % par an depuis 1995, la croissance du secteur n’a été que de 1,3 %. Un phénomène du même ordre s’est produit l’an passé avec une diminution de 300 000 du nombre de touristes américains. Actuellement, l’activité est en totale stagnation : l’attentisme prévaut, aggravé par des circonstances particulières comme la marée noire sur la côte atlantique. Déjà, dans la zone côtière de l’Aquitaine, une baisse des réservations de 61 % est enregistrée parmi la clientèle étrangère.
Tous les groupes de luxe marquent également le pas. La tourmente touche aussi bien des entreprises solides comme Hermès ou Cartier, numéro un mondial de la joaillerie, que des sociétés en pleine restructuration telles que Gucci et des groupes recentrés sur leurs métiers de base à l’instar de LVMH. Même si les résultats financiers ont été positifs l’an passé, ils ont été moins importants qu’espéré. C’est que ce secteur est largement tributaire de l’étranger puisque, par exemple, le Comité Colbert, un groupement réunissant soixante-dix entreprises du luxe et représentant près de la moitié du secteur français, y réalise 80 % de son chiffre d’affaires. Seule la parfumerie résiste plutôt bien à la crise, obtenant une croissance annuelle, en chiffre d’affaires et en moyenne, de 5,9 % depuis dix ans.
Bref, la situation n’est ni catastrophique ni réjouissante. Il n’en est pas de même dans l’industrie textile française totalement sinistrée. Charges trop lourdes, manque de créativité, concurrence de pays émergents, mondialisation en expliquent le déclin. Depuis 1995, plus de 10 000 emplois sont perdus, chaque année, dans ce secteur où les plans sociaux se multiplient. Et même si la productivité du tissage double tous les vingt-cinq ans – et ce depuis 1750 ! -, cela ne suffit pas pour être compétitif. La lutte est farouche : 44 % du textile vendu en France provient de la zone asiatique. Les Français ne peuvent plus rivaliser avec les coûts de production des fabricants étrangers. La Tunisie elle-même, par exemple, ne parvient pas toujours à soutenir la concurrence avec le Sud-Est asiatique. Maigre consolation pour les industriels français.

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