Une petite révolution

Stimuler les défenses immunitaires afin de mettre le virus en sommeil : tel est l’objectif du vaccin thérapeutique mis au point par une équipe française.

Publié le 18 février 2003 Lecture : 4 minutes.

Enfin du nouveau sur le front du sida. Sept ans après l’arrivée des trithérapies, dernière grande avancée en date dans la lutte médicamenteuse contre le VIH, une équipe de recherche française a fait sensation lors de la XIe conférence américaine sur les rétrovirus et les infections opportunistes de Boston (États-Unis) : l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) a publié, le 12 février, les résultats préliminaires de deux essais vaccinaux. Certes, ils sont partiels, mais ils sont bons. Très bons. Comme le souligne Michel Kazatchkine, directeur de l’ANRS, « cette première mondiale est très encourageante ». Jamais, jusqu’à maintenant, des chercheurs n’avaient observé de réponses immunitaires spécifiques contre le VIH.
Le vaccin en question est une forme thérapeutique. Il ne vise donc pas à empêcher le virus de pénétrer dans le corps humain. La recherche achoppe toujours sur l’élaboration d’un vaccin préventif. Elle a donc tenté de contourner cette difficulté en stimulant les défenses immunitaires qui ainsi mettront le virus en sommeil. Si l’ensemble conserve le nom de « vaccinothérapie », c’est bien parce qu’il s’agit, comme pour un vaccin courant, de stimuler les défenses pour leur donner les moyens de lutter contre un virus qui est déjà installé dans le corps.
Les deux essais, portant les noms de Vacciter et Vaccil-2, ont consisté à injecter ce vaccin à des patients séropositifs sous multithérapies. Le traitement a été interrompu un mois après la dernière des quatre injections. Le but était de voir si la préparation vaccinale avait réveillé le système immunitaire. En effet, lorsque le VIH pénètre dans l’organisme, « les malades sont inondés de virus qui dégradent le système immunitaire », explique le professeur Brigitte Autran, du laboratoire d’immunologie cellulaire et tissulaire à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière à Paris, membre de l’équipe de recherche. La porte est alors ouverte à toutes sortes de « maladies opportunistes », contre lesquelles le corps ne se défend plus, ou mal. Les trithérapies ont considérablement réduit la probabilité de survenue de telles maladies, puisqu’elles rendent le virus indétectable. Mais, comme l’explique Kazatchkine, « le système immunitaire ne voit alors plus de traces du virus, donc il n’est plus stimulé et ne peut plus se battre ».
La recherche ne parvenait pas à relancer la stimulation du système immunitaire contre le VIH. C’est maintenant chose faite. Dans l’essai Vaccil-2, 57,5 % des patients vaccinés, contre 25 % dans le groupe de contrôle non vacciné, ont développé une réponse immunitaire – c’est-à-dire une formation d’anticorps et une mobilisation de cellules tueuses – spécifique au VIH. Vingt-quatre pour cent des personnes vaccinées n’avaient pas eu besoin de reprendre leur traitement trois mois après l’interruption : le système immunitaire des patients avait contenu la charge virale. Ils devront cependant le reprendre un jour ou l’autre. Comme toute vaccination, celle-ci est plus ou moins durable, et il n’a pas été prévu dans le protocole expérimental de l’essai de revacciner ces patients.
Pourquoi 75 % des patients ont-ils dû, eux, reprendre rapidement leur traitement ? Même si Kazatchkine rappelle que « l’importance réside dans le fait que 25 % aient pu ne pas redémarrer leur trithérapie », il explique que, « dans le groupe vacciné, la durabilité de l’effet est directement proportionnelle à l’intensité de la réponse immunitaire provoquée. Si 75 % des patients n’ont pas répondu, c’est qu’ils n’ont probablement pas eu assez d’induction de réponse immunitaire. » Un autre facteur a également été noté par l’équipe de La Pitié-Salpêtrière, qui a coordonné l’essai Vacciter : la réponse vaccinale a été maximale après deux injections, puis a diminué avec les troisième et quatrième. Une amélioration de ces résultats, déjà inattendus, est donc envisageable en se limitant à deux injections. Cette observation sera vérifiée au cours des prochains essais.
Car cette bonne nouvelle ne signifie pas qu’un vaccin sera demain sur le marché. Mais la marge, estimée il y a peu encore à une décennie, s’est considérablement réduite. Il n’est pas utopique d’envisager l’accès à cette vaccinothérapie d’ici à trois ou cinq ans. « Elle soulagera des séropositifs, dans un premier temps, rappelle Kazatchkine, en leur permettant de suspendre les trithérapies, qui sont très contraignantes et entraînent de lourds effets secondaires parfois très mal supportés. Ou bien elle sera administrée en synergie avec les antirétroviraux, la tolérance aux multithérapies faiblissant avec le temps. Dans le futur, il est possible d’envisager que ce vaccin soit administré à des séropositifs pas encore sous traitement. Mais il faut être prudent, ce sont les futures stratégies d’essai. » Un autre écueil à la commercialisation se présentera : la production. Un laboratoire devra se porter candidat. Des industriels possèdent « ces résultats depuis plus d’un mois, mais ils n’ont pas encore réagi », souligne le directeur de l’ANRS. Ils devraient se mobiliser quand ils comprendront l’étendue du marché.
Outre les pays du Nord, les pays du Sud, cela ne fait aucun doute, seront intéressés par la thérapie vaccinale. Son coût, son mode et sa fréquence d’administration en font une solution thérapeutique bien plus accessible que les coûteux antirétroviraux, qui ne sont toujours pas disponibles au Sud et ne devraient malheureusement pas l’être pendant longtemps.

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