Un drôle de triangle
Publié le 18 février 2003 Lecture : 2 minutes.
Il y a quelques années, Shimon Pérès, alors membre du gouvernement israélien, laissa échapper cette phrase qui ne fut malheureusement pas assez commentée :
– En fait, nous négocions avec nous-mêmes.
Il s’agissait bien sûr du processus de paix et plus généralement de la politique extérieure de l’État hébreu. Le mécanisme est très simple : les Israéliens discutent entre eux, élisent qui ils veulent (Israël, seul État démocratique de la région, etc.), s’entendent sur un programme de gouvernement, puis transmettent leurs desiderata à Washington qui les présente le lendemain, sans honte, comme les siens. Les Palestiniens (et plus généralement les Arabes) n’ont plus qu’à s’incliner. S’ils ne le font pas, on les traite d’empêcheurs de tourner en rond, de fauteurs de troubles, on les isole, on les boycotte, etc. Voyez ce qui arrive à Arafat.
C’est ainsi que le président américain, loin d’être le courtier honnête (honest broker) qu’il prétend incarner, n’est en fait qu’un petit télégraphiste. Et cela qu’il s’appelle Reagan, Clinton ou Bush : les dirigeants de l’Aipac, le plus puissant lobby à Washington, ne font aucune différence entre un cabotin, un coureur et un benêt.
Dans cette affaire, le rôle des pays arabes, modérés ou non, se réduit à zéro. Comme disait l’autre, nous avons inventé le zéro et nous en sommes restés là. Pour la forme (et le pétrole), les dirigeants yankees rendent parfois visite aux chefs d’État arabes, les prennent au téléphone, leur font risette, mais au fond ils les méprisent et les détestent. En bloc et en détail. Et cela durera tant que les Arabes n’auront pas, eux aussi, dix mille têtes nucléaires. Et c’est pour cela qu’ils ne les auront jamais : voyez ce qui arrive à Saddam.
Récapitulons : Washington est un bureau de poste, les Arabes n’existent pas et les Israéliens discutent entre eux. Ça veut dire quoi, le triangle Washington/pays arabes/Israël ? Quand les côtés d’un triangle disparaissent, il se réduit à un point. Ce point, appelons-le par son nom : la Knesset.
