Toute ressemblance serait fortuite

Notre collaborateur Fouad Laroui publie son quatrième roman. Et épingle les petites vilenies entre journalistes et écrivains. Désopilant.

Publié le 18 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Le dernier Laroui est arrivé. Dans toutes les bonnes librairies. On le soupèse tel un fruit mûr et l’on s’inquiète de savoir si sa légèreté (142 pages seulement à se mettre sous la dent) n’est qu’apparente. Rapidement, ce premier sentiment cède la place à la curiosité : vers quelles péripéties nous entraîne cette fois ce conteur faussement candide ? Une surprise attend le lecteur assidu, puisqu’en l’occurrence, point de narrateur à l’horizon, mais une narratrice qui vient montrer le bout de son nez et exhiber d’autres détails émouvants de son anatomie. Elle s’appelle Fatima Ait Bihi, mais n’assume que l’improbable pseudonyme de Philomène Tralala. Elle est écrivain, marocaine d’origine subsarahienne, autrement dit mi-Shérazade, mi-Vénus d’ébène, et c’en est trop pour le pâle mâle parisien en mal d’exotisme qui fraie dans ce petit monde médiatico-éditorialo-littéraire où elle tient la vedette. Lui, c’est Gontran de Ville, critique littéraire de son état, qui ne peut s’empêcher de lui envoyer des poèmes mielleux comme des loukoums. Mais notre Berbère rebelle (pardonnez le pléonasme) s’agace des émois et des « J’apprivoiserai la panthère noire/ Venue au galop de son Atlas… » que contiennent les missives énamourées. Et se refuse au critique transi. Son amour (propre) blessé, le vil plumitif, qui n’a de noble que le patronyme, cherche vengeance à tant d’indifférence. Et il propage la pire rumeur que l’on puisse faire courir sur un écrivain : celle de pomper chez d’autres la quintessence de sa prose. Plagiaire !
Tiens donc ! Ça vous rappelle quelque chose ? Vous vous interrogez ? Toute ressemblance avec un personnage existant serait purement fortuite… En tout cas, voilà une histoire qui va allécher le lecteur-voyeur, amateur de potins, qui y reconnaîtra qui bon il lui plaira. S’il n’a pas la mémoire qui flanche. Les autres, ceux qui demandent à Laroui de les promener loin du microcosme littéraire parisien, dans les absurdes dédales de son Maroc natal qu’il sait si bien croquer, risquent de rester sur leur faim. À moins qu’ils ne reconnaissent l’auteur lui-même, grimé en diva gouailleuse et cogneuse pour régler leur compte à ceux qui l’accusent d’« offshorisme », ou le somment pour la énième fois d’expliquer pourquoi il écrit en français plutôt que dans la langue de ses aïeux. Deviner l’ironie de Laroui sous le masque de Philomène ne remet pas en cause la crédibilité du personnage féminin. On se demande simplement, et sans s’en offusquer, pourquoi Philomène préfère les filles. Est-ce parce que celui qui l’a inventée a été incapable de se glisser en entier dans la peau d’une femme, ou est-ce que les hommes sont indignes de l’amour de notre héroïne ? « C’est en réaction au machisme des hommes de son pays (et d’ailleurs) qui l’ont maltraitée », répond l’auteur. Le machisme ? Quelle femme, de là-bas ou d’ici, n’y a pas été confrontée ? Avons-nous viré de bord pour autant ? Quoi qu’il en soit, saluons cette lesbienne « maghréblaque », ne serait-ce que parce que son irruption dans le roman contribue à briser un sacré tabou.
La Fin tragique de Philomène Tralala se lit d’une traite. Le récit, mais surtout le style fourmillant de mille et une trouvailles, plus drôles les unes que les autres, régaleront les amoureux des mots. Et les tiendront en haleine. D’humeur légère et un brin canaille, ce roman est un pur divertissement qui délectera ceux qui n’exigent d’un livre que le seul plaisir de passer un bon moment en sa compagnie. C’est déjà beaucoup.

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