« Notre arrogance nous coûtera cher ! »

Publié le 18 février 2003 Lecture : 3 minutes.

L’édition européenne du magazine Time réalise actuellement un sondage sur son site Internet. La question posée est la suivante : « Quel pays représente la plus grande menace pour la paix, en 2003 ? » Trois cent dix-huit lecteurs ont, à ce jour, répondu. Les résultats sont assez surprenants : Corée du Nord, 7 % ; Irak, 8 % ; États-Unis, 84 %.
Bien sûr, il ne faut pas accorder à ce sondage plus d’importance qu’il n’en a. Bien sûr, les Polonais et les Portugais restent apparemment sur la même longueur d’onde que nous. Mais s’il y avait une question subsidiaire concernant les pays dignes de figurer dans l’« axe du Mal », nous serions sûrement plébiscités. Comme l’écrivait récemment le romancier John Le Carré : « L’Amérique est entrée dans l’une de ces périodes de folie qui jalonnent son histoire. Celle-ci est la pire dont je me souvienne. » Bref, notre pays est passé, dans l’opinion publique mondiale, du statut d’unique superpuissance à celui de super-État voyou. Il est permis de s’en inquiéter.
La réponse des plus machistes de nos dirigeants est connue : nous faisons ce que nous voulons, que les mécontents aillent se faire… (choisissez le terme à votre convenance). Cette attitude est à la fois ridicule et dangereuse. Bien sûr, il n’est pas question de devenir les esclaves de l’opinion internationale, mais il est pour le moins imprudent de la rejeter avec dédain au moment où nous nous préparons à déclencher une guerre qui, immanquablement, aggravera la fracture entre nous et le reste du monde et fera le lit du terrorisme.
Un exemple. En 1991, après la guerre du Golfe, les États-Unis se sont appuyés sur l’Arabie saoudite, qui a mis à sa disposition un certain nombre de bases militaires, sur son territoire. Nous avons ignoré la réaction de l’opinion de ce pays, parce que ces bases étaient censées représenter un atout décisif pour notre sécurité. Mauvais calcul. La présence américaine a radicalisé de nombreux jeunes Saoudiens et incité Oussama Ben Laden à passer à l’attaque. Ce qui apparaissait comme une décision judicieuse a eu pour résultat essentiel de fragiliser nos amis et de renforcer nos ennemis.
L’absence de soutien de la part de nos alliés ne nous empêchera pas d’entrer en guerre contre l’Irak, mais elle ne nous aidera sûrement pas à en sortir. Lorsque nous nous serons débarrassés de Saddam, il faudra bien recoller les morceaux. Est-il sûr que, comme en 1991, nos alliés accepteront de nous aider à payer la facture ? Chaque insulte de Donald Rumsfeld à l’adresse des Européens nous coûte 20 milliards de dollars.
Si tous vos amis vous disent que vous faites fausse route, ce n’est pas forcément parce qu’ils veulent vous poignarder dans le dos. Il peut advenir qu’ils aient tout simplement raison, même si, de son côté, le président George W. Bush n’a pas tort d’affirmer que les États-Unis doivent se réserver le droit d’intervenir militairement à l’étranger, de manière unilatérale.
L’antiaméricanisme est toujours injuste, mais il est particulièrement irritant lorsqu’il est le fait des Français, qui, dans les années quatre-vingt-dix, se sont pliés sans vergogne aux exigences de Bagdad dans le seul but de décrocher des contrats dans le cadre du programme pétrole contre nourriture. Cela a eu pour effet de saper la politique d’endiguement (containment) et a contribué à la crise actuelle. Mais ce n’est pas parce que les Français sont souvent exaspérants qu’ils ont toujours tort. Avec les Allemands, ils avancent, contre la guerre, un argument sérieux : l’endiguement et la dissuasion constituent une meilleure solution que l’invasion. On peut ne pas partager cette analyse, mais il est puéril de se boucher les oreilles.
Une personnalité américaine de premier plan a parfaitement résumé la situation : « Tout dépend de la manière dont nous conduirons notre politique étrangère. Si nous nous comportons de manière arrogante, on nous rejettera. Si nous nous montrons humbles, mais forts, on nous fera bon accueil. » Cette personnalité, c’était George W. Bush, lors du second débat télévisé de la campagne présidentielle. Ce jour-là, il avait entièrement raison.
© The New York Times et J.A./l’intelligent 2003. Tous droits réservés.

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