Les pieds dans l’eau

Les pluies torrentielles de janvier ont permis de reconstituer les réserves dans les barrages. Elles ont aussi provoqué d’importants dégâts.

Publié le 18 février 2003 Lecture : 3 minutes.

correspondant à Tunis Cette année, l’hiver a été particulièrement rigoureux en Tunisie. Les régions du Nord-Ouest ont connu des chutes de neige, et des pluies torrentielles se sont aussi abattues sur tout le pays. Ces averses, qui ont succédé à quatre années de sécheresse, ont représenté, au cours de janvier dernier, un volume de 1,5 milliard de m3 d’eau, sept fois la moyenne habituelle. Ce qui a permis de reconstituer les nappes phréatiques, de curer les cours des oueds et, surtout, d’augmenter la réserve hydraulique cumulée dans les vingt-six barrages du pays.
Selon les estimations du ministère de l’Agriculture, de l’Environnement et des Ressources hydrauliques, les quantités d’eau retenues dans les barrages ont atteint, vers la fin de janvier, le chiffre record de 2 milliards de m3. Dans un pays semi-aride, où l’eau est rare, ce retour de l’abondance a rendu le sourire à la population, dont les activités économiques sont encore largement tributaires de l’agriculture.
Revers de la médaille : les barrages, remplis à 100 % de leurs capacités, ont dû être délestés. L’eau, jaillissant à grand débit, a débordé la Medjerda, principal oued du pays, et ses nombreux affluents. Certains de ces cours d’eau, habituellement à sec durant la plus grande partie de l’année, se sont transformés en véritables fleuves emportant tout sur leur passage, inondant des étendues de terres agricoles, interrompant la circulation sur plusieurs axes routiers et isolant de nombreuses agglomérations du Nord et du Nord-Ouest. Durant les deux dernières semaines de janvier, les Tunisiens ont dû ainsi faire face aux plus importantes inondations qu’ils aient connues depuis 1969.
Surprises par l’ampleur du phénomène, qui a concerné neuf des vingt-quatre gouvernorats (préfectures) du pays, les autorités ont quelque peu cafouillé avant de prendre la mesure de l’événement et d’organiser les opérations de secours. Celles-ci ont été menées conjointement – et assez efficacement du reste – par l’armée, la protection civile, les forces de sécurité intérieure et les autorités locales. Des centaines d’agents ont été dépêchés dans les zones inondées pour assister les sinistrés, dont certains s’étaient réfugiés sur le toit de leur maison dévastée par les eaux. Transportés au moyen d’hélicoptères et de canots pneumatiques, ils ont été hébergés dans des centres d’accueil aménagés dans des écoles et des établissements publics épargnés par les eaux. Certains ont trouvé refuge chez des parents, d’autres auprès de familles d’accueil. L’esprit d’entraide a si bien fonctionné que le travail des sauveteurs s’en est trouvé facilité.
Selon la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FISCRCR), basée à Genève, en Suisse, la catastrophe a causé d’importants dégâts : au moins six morts, pour la plupart des enfants, 27 000 habitants évacués, des centaines de maisons détruites ou gravement endommagées, des élevages décimés et des cultures ravagées. « Dans le seul gouvernorat de Jendouba, près de 3 600 familles ont perdu leurs maisons », rapporte Michel Paris, membre d’une délégation de la FISCRCR, qui s’est rendue sur les lieux. Son collègue Anja Toivola ajoute : « La plupart des sinistrés sont des familles d’agriculteurs très modestes, qui ont l’habitude de constituer des stocks alimentaires pour toute l’année [couscous, pâtes, huile, etc.]. Ils ont tout perdu. »
Le 28 janvier, le président Zine el-Abidine Ben Ali s’est rendu dans la région de Manouba, où il a pris connaissance du sinistre. Il a réuni ensuite, au siège du gouvernorat de cette ville située aux portes de la capitale, un conseil ministériel qui a évalué les pertes, pris des mesures en faveur des familles touchées et étudié les moyens de restaurer dans les meilleurs délais les infrastructures endommagées. La réunion a débouché sur la mise en place d’un dispositif chargé de contrôler en permanence le niveau de l’eau dans les barrages et les oueds. L’objectif étant de donner l’alerte dans les délais les plus courts possible et permettre aux autorités de procéder à l’évacuation rapide des personnes vivant dans les zones menacées. Il a été décidé également de recenser les zones inondables et d’y faire respecter, plus fermement, l’interdiction de construire.

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