[Tribune] Pourquoi Casablanca peut devenir une marque très puissante
Créativité culturelle, innovation architecturale, développement de la qualité de vie et de l’attractivité économique… sont autant de leviers qui permettraient à la capitale économique du Maroc de rivaliser avec les plus grandes métropoles du monde.
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Hamza Hraoui
Dirigeant du cabinet de lobbying franco-africain MGH Partners, cofondateur du mouvement Maan
Publié le 28 mai 2020 Lecture : 3 minutes.
Ce qui fait la grandeur d’un pays, le rayonnement d’une collectivité, c’est son récit. Casablanca a naturellement le sien, mais il n’est plus conté, il est même méprisé. Le résultat, le voilà : Casablanca est aujourd’hui une ville qui s’éteint, qui n’est pas à la place qu’elle mérite. Déficit de démocratie participative locale, territoire peu valorisé, absence de vision, de cohérence urbanistique et architecturale… Les Casablancais cherchent désespérément leur ville.
Il n’est pourtant pas trop tard pour réenchanter l’avenir de la fille rebelle du royaume, dont la beauté, le rayonnement et l’influence ont le potentiel pour rivaliser avec les plus grandes métropoles du monde. Nous Marocains, assistons impuissants depuis dix ans à l’émergence fulgurante de brand nations [« marques-pays »], en même temps que de villes-marques. Les nations à croissance rapide sont conscientes de la richesse de leur capital marque. Elles cherchent plus que jamais à le valoriser en saisissant notamment les opportunités offertes par le digital.
Les pays matures ont pris conscience qu’il leur était impossible de s’endormir sur leurs lauriers, sur la puissance du siècle passé, et qu’ils doivent réinventer l’image de leur génie pour donner un nouveau souffle à leurs territoires. Londres a commencé en 2012 lors des Jeux olympiques. On découvrit alors un poste haut placé intitulé « Director of Brand London ». Paris a pris le même chemin même si, disons-le, la Marque France connaît un déficit d’appropriation par les territoires.
La Silicon Valley du Maghreb
Si notre pays et nos villes étaient des marques engagées dans une concurrence internationale avec d’autres marques-pays ou marques-villes, concourant sur le plan mondial, elles attireraient elles aussi les meilleures compétences, les plus prestigieuses universités et les plus grands professeurs, etc. Nous ne devons pas nous contenter de proposer des marques touristiques, comme l’a fait par exemple Tanger, qui a émergé en quelques années comme « la » nouvelle destination marocaine en vogue. Nos villes marocaines ont tellement plus à offrir ! Et Casablanca en premier lieu.
Faire éclore Casablanca en marque permettra d’attirer des investisseurs, des entreprises et des talents
À l’échelle locale, nous pouvons créer de la valeur inédite. Nous pouvons faire de Casablanca une capitale mondiale, la Silicon Valley du Maghreb, en capitalisant justement sur un passé pas si lointain pour construire l’avenir et nourrir le mythe. Elle peut rayonner au Maroc et à l’étranger à condition qu’il y ait une réelle volonté des élus, et surtout un renouvellement des élites dirigeantes. Elle peut retrouver le positionnement d’une ville qui ne se contente pas d’administrer ses habitants mais qui leur offre, ainsi qu’au reste du monde, une vision, une énergie et un désir de création.
Faire éclore Casablanca en marque permettra des choses étonnantes. Cela va non seulement générer des profits pour la municipalité via la vente de produits brandés sous licence, mais aussi attirer des investisseurs, des entreprises et des talents, et donc permettre de tirer le meilleur profit de la mondialisation. La marque Casablanca servira aussi à changer totalement la relation entre ville et administrés, ce qui est un enjeu crucial de démocratie participative.
Faire revivre le récit « casaoui »
Co-construire ce processus avec les administrés, c’est pour les élus l’occasion d’incarner leur territoire, d’être plus proches de leurs électeurs, de les impliquer dans les plans de développement régionaux, de leur donner envie de créer de la richesse localement, de renouveler leurs espoirs. C’est, in fine, aussi dépoussiérer la politique marocaine.
Les Casablancais ont besoin de faire de nouveau partie d’un destin collectif, de se dire qu’ils s’inscrivent dans un patrimoine immatériel qui les transcende
Casablanca ne demande qu’à redevenir ce qu’elle était : une ville qui rayonnait au-delà du royaume, qui attirait les meilleures compétences de la Méditerranée, une ville synonyme de créations de toutes sortes et de progrès. Il existe une infinité de leviers pour faire revivre le récit « casaoui » : la créativité culturelle et artistique, l’innovation architecturale, la qualité de vie, le dynamisme et l’attractivité économique, une nouvelle citoyenneté du 21e siècle, etc.
Les Casablancais ont besoin de faire de nouveau partie d’un destin collectif, de s’élever dans tout ce qu’ils font et ce qu’ils créent, en se disant qu’ils s’inscrivent dans un patrimoine immatériel qui les transcende. Et ce patrimoine immatériel est là, il ne demande qu’à être valorisé. D’autres villes peuvent suivre le pas : Rabat, Tanger, Marrakech, Fès… Mais c’est à Casablanca de lancer le mouvement, comme elle l’a toujours fait d’ailleurs, pour que le Maroc puisse nourrir le soft power de l’Afrique dans le monde avec davantage de force et de cohérence.
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